La récente convocation (le 4 mai 2023) du commandant Mepha Dosso, officier des Douanes ivoiriennes et conseiller technique du ministre des Ressources animales et halieutiques, par la Gendarmerie nationale pour expliquer l’origine de sa fortune a suscité de vives réactions en Côte d’Ivoire. Alors que le pays dispose d’un ministère de la Promotion de la Bonne Gouvernance et de la Lutte contre la Corruption, certains se demandent pourquoi cette traque intervient seulement maintenant et si elle est motivée par des considérations politiques. Cet article examinera le cas de Mepha Dosso ainsi que le contexte plus large de la corruption en Côte d’Ivoire.
Corruption et avantages dans les Régies financières
En Côte d’Ivoire, les Régies financières offrent souvent des avantages et des opportunités particulières à leurs agents, les exposant ainsi à la tentation de la corruption. Ces pratiques sont bien connues dans l’administration ivoirienne et ont conduit à des accumulations de richesses inexplicables et des réalisations coûteuses. Cependant, il est troublant de constater que la traque des individus soupçonnés de corruption ne se produit souvent que lorsqu’ils ont des ambitions politiques ou qu’ils peuvent faire de l’ombre à des personnalités influentes.
Le cas de Mepha Dosso : une question de timing politique ?
Mepha Dosso, ayant été recruté sous l’ancien Premier ministre Guillaume Soro, qui est maintenant opposant au régime en place et en exil, soulève des questions quant à la motivation réelle de sa convocation par la Gendarmerie nationale. Pourquoi la gendarmerie n’a-t-elle pas agi plus tôt alors que de nombreux cas similaires existent dans l’administration ivoirienne ? Certains voient dans cette traque une opportunité pour le régime de réprimer les opposants politiques et de détourner l’attention des problèmes socioéconomiques plus pressants.
Le paradoxe de la lutte contre la corruption
La Côte d’Ivoire dispose d’un ministère de la Promotion de la Bonne Gouvernance et de la Lutte contre la Corruption, dirigé par le juge Epiphane ZORO BI. Cependant, il est déconcertant de constater que les actions de lutte contre la corruption semblent se concentrer principalement pendant les périodes électorales. Cela laisse supposer que tant que les personnes corrompues n’ont pas d’ambitions politiques, elles peuvent agir en toute impunité et profiter des ressources du pays sans être inquiétées.
La nécessité d’une lutte contre la corruption indépendante de la politique
Pour réellement combattre la corruption en Côte d’Ivoire, il est crucial de mettre en place des mécanismes indépendants et transparents de lutte contre la corruption, qui ne soient pas influencés par des considérations politiques. La création d’organes spécialisés et autonomes chargés de la lutte contre la corruption, dotés des ressources nécessaires, pourrait contribuer à réduire les pratiques corruptrices et à instaurer une culture de responsabilité.
La traque du commandant Mepha Dosso, survenue après qu’il soit devenu une figure politique opposante, soulève des questions sur la réelle volonté de lutte contre la corruption en Côte d’Ivoire. Bien que le pays dispose d’institutions dédiées à la promotion de la bonne gouvernance et à la lutte contre la corruption, il est nécessaire d’aller au-delà des considérations politiques et d’établir des mécanismes indépendants pour combattre efficacement ce fléau. La Côte d’Ivoire a besoin d’une approche systématique et cohérente pour s’attaquer à la corruption, en veillant à ce que personne ne soit au-dessus de la loi, quel que soit son statut politique. Car, qu’a-t-on fait des gestionnaires et autres DG, trouvés coupables de détournement de milliards de FCFA, mais qui vivent une vie paisible comme des saints ? De la poudre aux yeux, diraient certains observateurs.
Germain Séhoué