Expert International en Industries Pétrolières et Énergies, Serge Parfait DIOMAN explique dans cette interview la tendance haussière des cours du pétrole et du gaz sur les places de marché internationales. Selon l’expert, s’il n’y a pas de trop fortes demandes énergétiques à la faveur des mois d’hiver à venir, il y aura une légère baisse des cours du pétrole plus tôt que prévu du fait notamment d’une économie d’échelle sensible aux fluctuations des volumes de consommation.
« C’est ce cumul d’excédent de brut sur les places de marché internationales qui fera fléchir les cours de l’or noir » annonce l’expert.
• Comment le pétrole et le gaz sont-ils perçus dans la mouvance actuelle de la transition énergétique ?
SERGE DIOMAN PARFAIT : Cette réflexion pertinente sera de nouveau au cœur des débats de la prochaine COP 27 prévue du 7 au 18 novembre prochain à Charm el-Cheikh en Égypte car la perception que l’on a de l’avenir de l’or noir ne fait pas encore l’unanimité au sein des parties prenantes à la COP.
En effet, face aux aléas du bouleversement climatique que nous décrions tous, à l’effet de préserver notre planète d’un dérèglement irréversible, l’abandon brusque et radical du pétrole et du gaz sonne pour certains comme la panacée nécessaire et suffisante qui ramènerait l’humanité à la quiétude climatique du 18 ème siècle, celle d’avant donc l’entame de l’ère industrielle et la ruée effrénée vers l’or noir.
A contrario, d’autres analystes se demandent toutefois s’il vaut vraiment la peine de retourner des siècles en arrière et n’abondent alors pas dans ce sens. Ils restent convaincus de ce que le pétrole et le gaz peuvent bel et bien cohabiter en mixité éco-responsable avec toute forme d’énergie nouvelle.
• Que proposent-ils alors concrètement ?
SDP : Ils optent pour une « transition énergétique équitable et sélective » qui tient compte du fait que tous les pays n’ont pas la même part contributive en terme d’impact sur le climat.
Tout un continent comme l’Afrique a par exemple moins de 5% d’incidence sur le dérèglement climatique et devrait pour ce faire bénéficier d’un chronogramme transitionnel dédié.
• Une faible contribution au dérèglement climatique serait-elle suffisante pour ne pas sortir du pétrole ?
SDP : En fait, toute mouvance transitionnelle énergétique qui conduirait ne serait-ce qu’involontairement à dépourvoir un État du peu qu’il a s’avèrerait très problématique à terme.
Bon nombre de pays moins pollueurs ont encore grandement besoin de leur pétrole et gaz pour se développer sereinement et sortir de la vulnérabilité énergétique qui pour la plupart mine préjudiciablement leur plein essor socio-économique.
La consigne du « zéro pétrole partout et dès maintenant » est donc trop hâtive et risquerait d’exacerber davantage la crise énergétique mondiale que nous subissons déjà. En l’absence de propositions alternatives capables dans l’immédiat de se substituer à l’offre pétro-gazière, mieux vaut être soumis à l’épreuve du réalisme.
• Cela expliquerait-il la continuation des divers projets d’exploration et production pétrolière en cours de par le monde et en Afrique en particulier ?
SDP : La continuation de ces projets épouse avant tout une vision de mixité énergétique proactive où les pays concernés entendent donner des chances à toute ressource disponible et exploitable à proximité dans leur environnement immédiat.
Pour ceux qui le peuvent, il s’agirait plus de se donner les moyens d’assurer leur autosuffisance énergétique et par là être des hubs énergétiques par solidarité pour leurs voisins sous-régionaux qui sont dans le besoin.
• Dans ce contexte de déficit énergétique, la hausse mondiale des cours du pétrole et gaz va-t-elle perdurer ?
SDP : La tendance haussière des cours sur les places de marché internationales est une résultante entretenue par des causes elles-mêmes vouées à perdurer un certain temps encore via le fait notamment avéré d’une transition énergétique hâtive conjuguée aux effets opportunistes d’une crise russo-ukrainienne qui s’éternise.
Et quand l’on aura de moins en moins les moyens de se hisser à la hauteur des coûts élevés de l’or noir, il s’en suivra un ralentissement de l’activité économique mondiale d’où découlera une baisse de la consommation pétro-gazière.
Au final, c’est ce cumul d’excédent de brut sur les places de marché internationales qui fera fléchir les cours de l’or noir. Et ce, à condition que la rudesse de l’hiver dans les pays énergivores ne viennent susciter un reflux de consommation.
• Quand pourrions-nous entrevoir ce repli des prix du brut sur les places de marchés internationales ?
SDP : On le perçoit déjà car nous stagnons depuis peu sur des cours de pétrole à moins de 100 dollars le baril de brut alors que nous étions à des envolées de plus de 120 dollars il y a à peine quelques mois.
Et s’il n’y a pas de trop forte demande énergétique à la faveur des mois d’hiver à venir, comme déjà évoqué, nous verrons cette légère baisse des cours du pétrole se manifester plus tôt que prévu du fait notamment d’une économie d’échelle sensible aux fluctuations des volumes de consommation.
Ce processus se fera tout naturellement sans cette fois trop impacter les coûts marginaux des acteurs et investisseurs de l’industrie pétro-gazière comme ce fut le cas au plus fort de la crise coronarienne qui infligea un coup d’arrêt franc à l’économie mondiale du fait du confinement des populations.
En raison de son attractivité actuelle par ailleurs, il n’y aura pas d’inquiétude particulière à se faire pour la filière pétro-gazière qui demeure bien résiliente.