Dans une Côte d’Ivoire, où les besoins médicaux et même existentiels de base sont souvent inaccessibles pour la majorité de la population, les récentes révélations de scandales financiers de la Cour des Comptes mettent en lumière le pillage systématique de l’économie par les cadres du Parti au pouvoir, le RHDP.
Comment expliquer des frais d’entretien exorbitants pour certains directeurs généraux, tandis que des milliards destinés à des projets essentiels semblent s’évaporer sans la moindre trace ? Sur 85 milliards étrangers affectés au financement de projets, si effectivement seuls 40 milliards ont servi à la réalisation de quelques initiatives et que la différence est introuvable, que va penser la population sans moyen ?
Que vont dire ces milliers de jeunes, avec leur projet sur les bras, en quête de quelques millions de francs, un à même cinq millions ? Or, avec 20 milliards, on peut financer 4000 projets de cinq millions. On aura éteint 4000 foyers de frustrés.
Le scandale des frais d’entretien exorbitants
Alors qu’il jouit du titre honorifique de Prix d’Excellence de meilleur gestionnaire des établissements sanitaires de l’année 2023, le Directeur général du CHU de Treichville, M. Yao Etienne, se voit confronté aux accusations de la Cour des Comptes. Pourquoi ses frais d’entretien de seulement trois véhicules atteignent-ils la somme astronomique de 60 millions FCFA en une année ? Pourquoi ?
Comment est-ce possible ? Il est bon de savoir par ailleurs que M. Yao Etienne est maire de la commune de Bouaflé, secrétaire départemental du RHDP de Bouaflé. Une question qui résonne d’autant plus fort dans un contexte où chaque centime compte pour la santé des citoyens.
Des centaines de milliards disparus : scandale à Snedai et Oneci
La Cour des comptes a jeté la lumière sur un autre scandale financier de grande envergure, impliquant Snedai (Société nationale d’Edition et de Documents administratifs et d’identification) et Oneci (Office National d’Etat Civil et d’Identification), autour d’une somme vertigineuse de plusieurs centaines de milliards.
L’argent provenant des frais des passeports et visas biométriques semble avoir mystérieusement disparu. Les concessionnaires et l’État se renvoient la responsabilité, les premiers soutenant avoir fait le dépôt, le second affirmant n’avoir rien reçu. Et tout cela laisse la population sans repère.
L’Impunité face aux milliards évanouis
On se rappelle la rénovation de l’université Félix Houphouët-Boigny, où 40 milliards de nos francs sont portés disparus, sans que cela ne donne une suite judiciaire, une sanction. De même, le scandale au Guichet unique tourne autour de 20 milliards, sans oublier celui du Fonds d’entretien routiers de 100 milliards de franc FCFA évaporés. Et la seule sanction quand elle intervient, c’est le limogeage. Donc, le DG voleur est limogé mais, devenu milliardaire et puissant, arrogant même, puisque, sanctifié par le pouvoir RHDP.
Malgré ces révélations, une question persiste : pourquoi les coupables, même après avoir été limogés, ne font-ils l’objet d’aucune poursuite judiciaire ? L’impunité règne, et les anciens directeurs généraux impliqués dans des affaires de détournements continuent souvent à jouer un rôle actif au sein du RHDP, impunis et parfois même récompensés.
Le pillage systématique de l’économie ivoirienne
Les cadres du RHDP, apparemment doutant de la stabilité politique à venir, semblent se servir dans les caisses de l’État en prévision de jours incertains. Ce pillage systématique ne fait pas seulement plier la Côte d’Ivoire sous le poids du « rattrapage ethnique », mais accentue également l’accumulation illicite de richesse au sein d’un même camp politique.
Et l’argument du pouvoir, c’est de dire que, si la Cour des comptes fait ces révélations, cela signifie que les institutions fonctionnent. Mais si elles fonctionnent totalement et effectivement et non par une circonstance particulière qu’on comprendra un jour (règlement de comptes, vengeance interne), pourquoi tous ceux qui ont volé plusieurs milliards et ont été limogés depuis longtemps (au FER), ne sont pas inquiétés et se trouvent même au contraire, associés à l’animation de la vie du Parti au pouvoir ? La justice ne les voit-elle pas ? L’autorité qui les a limogés, ne sait-elle pas qu’ils sont « peinards » dans la nature ?
Non, les cadres voleurs du RHDP ne seront pas inquiétés. Si bien que chacun se servira, se remplira les poches, et s’en ira, pour enrichir le Parti. Parce que le parti pourra avoir besoin de lui, d’une manière ou d’une autre. Chaque DG qui vole des milliards et qui s’en va, peinard, est une créance du Parti sur l’économie, une épargne du RHDP qui se balade dans la nature, un guichet automatique à encaisser à tout moment où qu’il se trouve sur la planète. C’est un fonds de soutien du Parti, en liberté.
C’est donc le pillage systématique de l’économie. On endette la Côte d’Ivoire, on pille cet argent pour que les générations futures payent. Et cela se fait impunément, parce qu’on ne peut pas punir quelqu’un vers qui on va se rendre après, pour faire le point ou pour qu’il fasse un retour équitable du butin.
Donner des rentes viagères à des partisans
Qu’on ne se trompe pas, ces pillages systématiques et impunis, vont dans le même sens que les reformes et autres nominations bizarre du genre : une pléthore de « ministres-gouverneurs de District, un Haut Représentant du Chef de l’Etat, un Vice-Président de la République, le Senat budgétivore ». Ce sont pour la plupart des partisans à qui l’on distribue l’argent des Ivoiriens afin que, partout où ils se trouvent, ils mouillent le maillot pour le RHDP et son chef. Ils sont récompensés à vie, avec une rente viagère consistante.
La Côte d’Ivoire va mal
En somme, alors que le pouvoir en place justifie ces révélations de la Cour des comptes comme un signe que les institutions fonctionnent, l’impunité persistante envers ceux ayant détourné des milliards suggère le contraire. Le pillage économique en cours laisse la Côte d’Ivoire endettée et les générations futures avec le fardeau de ces agissements irresponsables. Il est temps de remédier à cette situation et de restaurer la confiance envers les institutions financières du pays.
Car l’un des slogans du candidat Alassane Ouattara pendant la campagne électorale présidentielle de 2010 est « Ne donne pas ta voix à la corruption ». Il est au pouvoir depuis le 11 avril 2011 et voici les Ivoiriens étouffés par la corruption.
Germain Séhoué