La parole publique a un pouvoir indéniable : elle peut informer, influencer, rassembler ou diviser. Lorsqu’une personne prend la parole en public, elle livre ses idées, ses opinions, ses sentiments. Mais elle ne peut pas contrôler la façon dont son message sera perçu et interprété par le public. C’est là que réside à la fois la force et la fragilité de la parole publique.
Chaque parole exprimée en public est soumise à l’interprétation publique. Les mots prononcés sont capturés dans l’air et se répandent, portés par les oreilles attentives de l’auditoire. Ils sont ensuite analysés, discutés, débattus dans le tissu social. La parole publique devient ainsi le reflet de la pensée collective, avec toutes ses nuances et ses diversités d’opinions.
L’auteur de ces paroles, ayant pris le temps de les structurer et de les charger de sens, ne peut pas se rendre chez chaque citoyen pour expliquer personnellement son intention. C’est pourquoi la parole publique est si cruciale. Elle est destinée à atteindre un public plus large et à susciter une réflexion, un débat, voire un changement d’opinion. Mais une fois prononcée, elle échappe au contrôle de son émetteur.
Un exemple frappant de cette dynamique est apparu lorsque feu Amadou Soumahoro a déclaré à Daloa que « Tous ceux qui se sont attaqués à Alassane Ouattara se sont retrouvés au cimetière ». Cette déclaration a été immédiatement saisie par l’opinion publique, qui y a vu une menace implicite. Malheureusement pour lui, face aux réactions publiques, il a tenté de nuancer sa pensée en précisant qu’il parlait de « cimetière politique ».
Cependant, ses explications n’ont pas été largement entendues ou prises en compte. Il a été affublé du sobriquet d’AMADOU-CIMETIÈRE, un surnom qui l’a suivi jusqu’à la fin.
Cet exemple illustre à quel point la parole publique est soumise à l’interprétation et à la compréhension de l’opinion publique. Chaque individu peut entendre et comprendre les mots différemment en fonction de ses expériences, de ses convictions et de ses attentes. Par conséquent, les émetteurs de discours publics doivent être conscients de cette réalité et choisir leurs mots avec prudence.
La responsabilité de la parole publique incombe donc non seulement à celui qui l’exprime, mais également à ceux qui l’écoutent et la diffusent. Je conviens qu’il est important d’encourager un dialogue constructif. Dialogue basé sur l’écoute active et la recherche de compréhension mutuelle. La diversité d’opinions doit être respectée, et les malentendus ou les interprétations erronées doivent être rectifiés par un dialogue ouvert et éclairé. C’est bien.
On peut retenir que la parole publique est un puissant moyen de communication. Mais elle est aussi vulnérable aux malentendus et aux interprétations erronées. En tant que société, nous devons être conscients de cette fragilité et travailler ensemble pour promouvoir un dialogue respectueux et constructif. Seulement ainsi pourrons-nous éviter les amalgames et les sobriquets qui risquent de déformer la véritable intention de ceux qui s’expriment publiquement.
Germain Séhoué