Marcellin Leroux est l’administrateur national de l’Eglise du Néo-apostolique de Côte d’Ivoire. Il revient d’une mission d’un mois et deux semaines en Sierra Leone. Nous avons voulu savoir à quoi a consisté cette mission.
En tant qu’administrateur, il est chargé de gérer tout ce qui concerne l’église sur les plans administratif et financier.
Il explique : « S’il y a une demande d’ici, si l’église a besoin d’un fonds, soit pour construire un temple, soit pour aider des déshérités, je suis le canal, la première personne indiquée pour faire la demande. Pourquoi devons-nous construire une église ? Pourquoi devons-nous aider ? Il faut avoir des raisons valables pour recevoir l’approbation de notre hiérarchie. C’est comme ça que ça fonctionne. L’Eglise mère a un budget à son niveau, et chaque années, les demandes convergent vers la Direction. Nous, on envoie les demandes, mais c’est la Direction qui approuve ».
En Afrique de l’ouest, l’Eglise Néo-apostolique est composée de trois entités: Afrique de l’ouest 1, Afrique de l’ouest 2, Afrique de l’ouest 3. La Côte d’Ivoire fait partie de l’Afrique de l’ouest 1. Cet espace comprend la Côte d’Ivoire, la Guinée, la Sierra Leone et le Libéria.
L’administration sous-regionale se trouve à Freetown, en Sierra Leone.
C’est donc là-bas, à Freetown que se fait le contrôle de la gestion financière des églises Néo-apostolique des quatre pays de l’Afrique de l’ouest 1.
Tous les administrateurs de cette zone se retrouvent là-bas. Avec tous les documents financiers de l’année: les demandes formulées du 1er janvier jusqu’au 31 décembre.
« On va soumettre ces documents aux auditeurs qui sont chargés de contrôler le bilan et le rapport financier. Et voir si les moyens qui ont été déployés ont atteint leur cible, s’ils ont été bien utilisés en fonction du standard de notre Eglise. C’est pour cette raison que nous sommes allé en Sierra Leone. La mission a duré un mois deux semaines «
Cette fois, cette mission s’est effectuée en Sierra Leone, mais ce n’est pas fixe. Des fois, elle peut se tenir en Afrique du Sud, au Ghana… Mais cette année, ce sont les auditeurs de la Sierra Leone qui ont invité les administrateurs de la zone Afrique de l’ouest 1. Parce que cette année, ils ont la mission de contrôle de la gestion des églises de l’Afrique de l’ouest 1.
Un mois deux semaines de contrôle, cela s’explique. Lorsque les administrateurs arrivent, ils remettent leurs dossiers aux auditeurs qui prennent une semaine pour les étudier avant la phase question-réponse.
Comment se passe cette phase de confrontation ? Si les dépenses ont augmenté cette année relativement à l’année passée, il faut expliquer pourquoi. Si, au contraire, elles ont diminué, il faut en donner les raisons, etc.
Leroux Marcellin : « On peut nous recevoir aujourd’hui, poser des questions, obtenir des réponses, nous rappeler deux ou trois jours encore pour poser les mêmes questions ou d’autres questions sur le même chapitre pour mieux comprendre, pour voir certainement si nous n’allons pas nous contredire. Ou alors, nous revoir pour passer à un autre chapitre. Tout dépend d’eux, aussi longtemps qu’ils ont besoin de nous, nous sommes là. »
Il donne une précision: « Les auditeurs sont des anglophones. En plus, ce ne sont pas toujours les mêmes personnes qui auditent chaque année. Il peut même y avoir parmi eux, des stagiaires. Et c’est vrai qu’on traduit les documents financiers en anglais. Mais ce n’est pas toujours facile pour eux de comprendre le système francophone. Si le contrôle était fait par des francophones, les choses iraient plus vite. Souvent, il y a des clashs parce que sur certaines transactions, les deux parties n’ont pas la même pratique. Et il faut pouvoir les convaincre. Parce qu’il s’agit d’argent.
Et le rôle des auditeurs, c’est de voir réellement s’il n’y a pas de détournements ou quelque chose d’anormal. »
Selon l’administrateur Leroux Marcellin, « là où il y a souvent incompréhension, c’est concernant les factures. En Côte d’Ivoire, il y a des commerces qui délivrent des factures en lieu et place des reçus. Donc des factures qui passent partout. Mais arrivé là-bas, les auditeurs peuvent vous dire : chez nous, les factures qui jouent le rôle de reçu, ça n’est pas admis. Il faut un reçu à part entière. Là, il faut leur donner des explications pour qu’ils arrivent à comprendre que les institutions et zones diffèrent. Et qu’il y a des fois où une facture peut être considérée comme un reçu. Mais chez nous, en Côte d’Ivoire, on vous dit qu’il y a des factures proforma qui sont considérées comme des devis et des factures qui jouent le rôle de reçu. Il faut arriver à les rassurer, à les convaincre sur ces détails. »
Les préoccupations des auditeurs sont aussi autres. Comme l’Eglise aide également les déshérités, le contrôle porte sur l’effectivité des opérations annoncées: les maisons construites en leur nom, sont-elles effectivement destinées aux déshérités ? Aux gens en détresse ou alors, aurait-on servi d’autres intérêts par ruse ? Comment ces personnes ont réagi à la réception de ces dons ? Heureuses ? Est-ce qu’on sent qu’il y a eu un soulagement ? Les dons sont-ils arrivés à point nommé ? Ont-ils eu un impact favorable sur les bénéficiaires ? Il faut pouvoir expliquer tout cela avec un dossier bien monté avec des images, des lettres de remerciement de la part des ONG qui reçoivent les dons.
Les dons mêmes ne sont pas le fait de l’Eglise Néo-apostolique. C’est une ONG, Jörn Wolff Fondation, affiliée à l’Eglise, qui fait ces dons mais par le canal de l’Eglise. Parce qu’elle lui fait confiance en tant qu’institution spirituelle. On suppose qu’avec la Maison de Dieu, les dons peuvent être utilisés à bon escient. Et cette ONG est, à son tour, auditée par l’Allemagne, le pays mère qui fournit ces dons. L’Allemagne se rassure si les fonds envoyés en Afrique pour l’humanitaire, n’ont pas servi à financer des actions subversives, des rébellions.
Voilà autant de lignes que les donateurs observent et qui les déterminent à poursuivre ou à arrêter leurs actions humanitaires.
A part cela, les auditeurs vont jusqu’à chercher à savoir pourquoi les dimanches, le nombre de participants au service divin a diminué ou augmenté. Pourquoi certaines communautés sont devenues inactives? Pourquoi les offrandes ont diminué ou augmenté ? Quelle est la motivation pour que les offrandes connaissent une augmentation ? Que s’est-il passé ? Il faut pouvoir expliquer tout changement : positif ou négatif.
Les administrateurs profitent de ces moments pour présenter les besoins de leur mission, les réalités de leur pays. En ce sens que c’est à partir des données recueillies là que les nouveaux budgets se mettent en place.
Voilà un peu l’esprit des audits au sein de l’Eglise Néo-apostolique. « Il n’y a pas de petit dossier. Tout, même les virgules, il faut les défendre. Parce que chez nous, Néo-apostolique, tout est subventionné. » Nous a confié M. Leroux Marcellin.
Germain Séhoué