Tout est arrivé à cause du Pr Bertin Kadet, ancien ministre. Samedi 11 mars 2023. De 15h à 20h, il y a des effusions de joie, là-bas. Dans une résidence ombragée de Bingerville, comme si les arbres y étaient en congrès. Là-bas, l’on célèbre l’amitié, la fraternité, la fidélité à soi et aux siens. L’on magnifie le courage, la détermination malgré tout, l’on fête et danse avec et pour un ami. Un ami qui a vaincu l’adversité pour se hisser.
Qui est l’auteur du coup ? Le Maître d’œuvre, c’est qui ? Il s’appelle Pr François Akani, Professeur titulaire de Neurologie, UFHB. Les tables sont dressées. Les notes musicales crépitent. Des voix envoûtantes du groupe musical VOX CHRISTI du Pr Dominique Anoha Clokou, bercent les esprits avec des chants d’ici et d’ailleurs. Les convives se sont déjà familiarisés avec les premières offres culinaires de Mme Constance Akani. Mais à la barre, son époux devra s’expliquer. Pourquoi ? Pourquoi ce coup ? Pr François Akani passe alors à table :
« Nous ne sommes pas dans un amphithéâtre ici, ni dans une caserne ou au palais de justice. Nous sommes ici pour célébrer notre frère Bertin (Bertin Kadet), et autour de lui, ses proches, ces honorables. Et mon épouse et moi, nous vous souhaitons la bienvenue. Merci d’avoir accepté de l’accompagner et merci aussi à Bertin d’avoir accepté de célébrer cet hommage à ton endroit, merci à ton épouse et à la famille Kadet représentée par Victoria. »
Il poursuit : « L’événement que nous voulons célébrer, c’est surtout à l’endroit de Bertin. Je l’appelle Bertin parce que depuis l’âge de 10 ans, on a tapé dans le ballon. On s’est côtoyé, on s’est fréquenté, on s’est pratiqué et la vie a pu garder ces liens de fraternité. Mais pour moi, il n’est pas mon ami, c’est mon frère. Son épouse, c’est ma sœur. »
Et de préciser une chose :
« Et cette petite cérémonie, c’est surtout pour féliciter notre frère. Pourquoi le féliciter ? Tout simplement, nous avons tous traversé des moments difficiles. Et à l’extérieur, Bertin a pris tout son talent, son courage pour réussir ce que nous, enseignants de l’université, cherchons d’exceptionnel… il a travaillé dans des conditions difficiles et aujourd’hui, il est Professeur titulaire, c’est-à-dire Professeur des universités, acclamons-le. » Ovations.
On a tout compris : « C’est le dernier grade de l’université. Son cas a été exceptionnel parce que nous qui l’avons précédé dans cette carrière, les conditions n’ont pas été les mêmes. Il était très loin de son institution, loin de sa famille et de ses proches, et il a pu quand même braver ces méandres pour arriver à un tel niveau ! Encore bravo ! » Bel hommage !
Pr Akani célèbre donc la détermination du « frère » Bertin à aller de l’avant. Celui-là qui ne baisse pas les bras. Il magnifie également le soutien de Mme Marcelle Kadet aux côtés de son époux. Mme Kadet venait de fêter son anniversaire la veille.
Pr Akani estime que le mérite de Bertin Kadet est particulier, vu qu’il a allié carrière universitaire et hautes fonctions étatiques pour parvenir à ce résultat. Car il a été ministre de la Défense et Conseiller de président de la République avant de connaître l’exil.
Ses défis qui étaient aussi ceux de ses collègues plus tranquilles, c’étaient les contraintes universitaires, à savoir la formation, l’enseignement, la nécessité de s’asseoir pour rédiger, écrire, pouvoir publier, se faire connaître dans son institution et dans les institutions étrangères. Et Bertin Kadet est sorti victorieux de ce combat.
A la suite de son mari, Mme Constance Akani ajoutera : « Ma jumelle et son époux, je vous adore ».
Prenant la parole, Pr Bertin Kadet fera aussi l’apologie de l’amitié: « Chers amis, dans la vie, les amis, c’est important. C’est très important. Parce que, ce que tes propres parents ne peuvent peut-être pas faire pour toi, tes amis le font. Donc mes amis, c’est la prunelle de mes yeux, je voudrais donc saluer le Pr Akani et sa femme ».
Il a dit beaucoup de bien du Pr François Akani. Cet ami qui, en 2018, lui a sauvé la vie en l’opérant de la tête. Il croyait traîner un palu. Mais ça persiste. Dans la clinique d’une amie, Dr Florence Kouassi, à Marcory, on lui fait un examen de la tête. Mais il n’y a pas de Neurologue pour interpréter l’examen. Alors son épouse se rappelle son ami, le Pr Akani. Elle lui téléphone immédiatement.
Le Pr Akani bondit et arrive dans les moments qui suivent. Il regarde le fameux examen et dit au malade hospitalisé : » Bertin, si on ne t’opère pas aujourd’hui, dans deux jours, tu vas mourir « . C’est qu’un de ses nerfs a éclaté et le sang s’est mis à envahir sa tête. D’urgence, il est admis dans une polyclinique où le Pr François Akani et un de ses amis, Pr Kakou Médard, l’opérent. Il est sauvé. C’est là, une des séquences de la vie qu’on ne peut oublier.
De même, à son retour d’exil, le 30 juin 2016, c’est un ami qui l’accueille chez lui, à Abidjan, avant qu’il ne rejoigne son domicile. Il a aussi été célébré par ses amis de la Jeune Chambre International, en tant que Sénateur.
Bertin Kadet était Maître-assistant. Après la reprise de ses activités académiques à l’ENS, pour se préparer pour le CAMES, c’est son ami le Pr Anoh Paul qui lui donne un coup de pouce, en mettant à sa disposition des étudiants à encadrer. Il réussit d’abord la Maîtrise de Conférences, puis le CAMES.
Ici, à notre micro, le Pr Bertin Kadet se montre reconnaissant :
« Je remercie sincèrement mon ami et frère Professeur François Akani et son épouse Constance d’avoir pris de leurs ressources et leur temps pour organiser une réception en mon honneur, en leur belle résidence, à l’occasion de ma récente titularisation au CAMES. »
« Ils m’ont donné l’occasion d’y associer certains proches amis et collègues. C’est un couple formidable et généreux; je ne cesserai d’implorer la miséricorde de Dieu sur eux en cette période si spéciale pour nous catholiques. Les personnes de leur trempe sont devenues rares dans notre société et il importe de les préserver. »
Concernant le côté académique, il dit ceci : « Le grade de Professeur Titulaire ou PT est le dernier grade universitaire dans le système CAMES, c’est-à-dire le sommet de la hiérarchie des aptitudes universitaires. Il est conféré à l’issue d’un parcours professionnel exigeant en termes de recherche et de publications scientifiques. «
« Ce grade exige à son titulaire de s’impliquer davantage dans l’encadrement et dans la promotion scientifique de sa discipline.
C’est donc tout naturellement un moment d’intenses émotions de joie pour tout enseignant chercheur qui parvient à ce hisser à niveau de grade.
Ceci dit, je parviens à ce grade après mon retour de cinq années d’exil politique suite aux événements de 2010-2011 et à un moment où bientôt, je vais faire valoir mes droit à la retraite. »
Pour lui, ces deux moments combinés appellent une double signification qu’il veut imprimer à son grade de Professeur Titulaire. Concernant la première leçon à retenir, il pense que » les situations douloureuses que nous avons connues en termes de frustrations, de brimades ou de solitude ne doivent pas constituer un frein à nos ambitions. » Et que ces situations peuvent retarder notre parcours individuel ou collectif mais, elles ne doivent en aucun cas annuler le processus de notre destin.
La deuxième observation qu’il fait, c’est un conseil qu’il prodigue à ses enfants et à la jeunesse de notre pays en quête de repère: « Je leur dis : chers enfants et chers jeunes, voici le chemin que je vous demande d’emprunter. Moi je suis arrivé à ce niveau de grade alors que je pars à la retraite. Mais pour vous les jeunes, c’est un boulevard qui s’ouvre. Il y a toujours un chemin, même lorsqu’on pense que tout semble bloqué. »
Au cours de la cérémonie, Marcelle Kadet, Prêtresse, formule des prières prouvant qu’elle est établie dans la foi.
Pour les invités, les amis de son époux, elle a des mots forts, des témoignages poignants. Exemple : M. Marcel Dally qui, durant leur exil, leur envoyait chaque mois, 100 000 FCFA et un sac de riz.
Belle soirée où l’on voit danser, ou se contorsionner sur un podium, des personnes dont certaines sont à la retraite. Parfois, je crois voir des dinosaures marcher. Mais je me trompe. Silence, on danse! Et ce n’est pas pour le CAMES. Chacun fait son encadrement selon son inspiration.
Oui, c’est la joie, Pr Bertin Kadet peut dandiner face à sa fille Victoria ou « gigoter » devant Constance Akani ou encore, aux côtés de grands Processeurs. Ou alors, sortir ses dernières phases pour épater une certaine Marcelle Kadet. Et on entendra alors, d’un coin de la résidence, Pr François Akani crier, riant : « Tu as détourné cette femme ! Elle devait être Sœur ! » On éclate de rire. Du côté des femmes, on plane, on se trémousse. On semble se souvenir des pas qui feraient sensation. C’est la fête.
Espérons tout de même qu’il y a un baume réparateur pour masser après, les vieux os en folie.
A la fin, on échange les présents. De beaux paquets.
Parmi les invités de la soirée de l’amitié, on note la présence des personnalités suivantes :
- Pr. François AKANI (Professeur Titulaire de neurologie, UFHB)
- Mme Constance AKANI
- Pr. Bernard KOLI Bi Zuéli (Professeur Titulaire de Geographie, UFHB)
- Pr. Paul ANOH Kouassi (Professeur Titulaire de Géographie, UFHB),
- Pr. Hervé KOUASSI, Professeur Titulaire de SVT à l’ENS)
- Pr. André Alla DELLA (Professeur Titulaire de Géographie, UFHB)
- Pr. Assunta ADAYE (Maitre de Conférences de Géographie, UFHB),
Mme Ouattara (l’épouse du DG de l’ENS, Pr. OUATTARA Lassine),
Mme Léontine DALLY (Diplomate),
M. DALLY Marcel (Avocat général),
Mlle Obou Victoria KADET (Doctorante en Biochimie, UFHB), - Mme Henriette KLA
- Mme Nathalie KATO,
- Pr Bertin Gahie KADET (Professeur Titulaire de Géographie, ENS),
- Mme Marcelle KADET,
- Germain Séhoué (Journaliste)
- Le Pr Dominique ANOHA Clokou, musicologue à l’ENS et son groupe musical VOX CHRISTI.
L’amitié ? Le goût de l’effort ? Ça vaut vraiment la peine d’être célébré.
Germain Séhoué