Par Serge Parfait Dioman
Expert International en Industries Pétrolières et Énergies
A la faveur de la présente crise d’envergure mondiale qui nous impacte tous d’ailleurs, les pays adoptent certaines décisions d’ordres réactives ou préventives selon les cas.
Certaines d’entre elles donnent lieu à des débats laissant transparaître que les populations du monde entier n’attendent que d’être rassurées quant aux potentielles incidences sur leur vécu.
Comme nous le savons bien tous déjà au demeurant, toute prise de décision annoncée n’est pas nécessairement d’ordre stratégique. Et il conviendra pour chacun alors de faire la part des choses en se posant au préalable les trois questions de base que sont :
– quels sont les objectifs ?
– quels sont les enjeux ?
– et quels sont les défis ?
Elles forment l’ossature constituante de toute stratégie. Accordons-nous alors un tout petit exemple pour mieux comprendre.
Dans une compétition internationale de football où l’objectif pour chacune des équipes est de remporter la coupe, l’un des enjeux pourrait être le gain financier, la visibilité nationale, etc. Quoique pour certains pays « éternels figurants », l’objectif et les enjeux se confondent d’office (hélas) en se résumant à aller juste participer voire figurer.
Alors ici, l’un des défis serait d’être parmi les 2 premiers de sa poule pour pouvoir déjà passer le premier tour. Au fur et à mesure de l’avancement, d’autres nouveaux défis se dresseront mais l’objectif et les enjeux restent par principe les mêmes de départ.
Ici, le plan stratégique nous fait donc apparaître un objectif (la coupe), au moins un enjeu (la visibilité) et au moins un défi (passer le premier tour).
Face à une crise pétro-gazière mêmement, l’approche décisionnelle se doit alors de contenir ces trois ingrédients pour faire de ce cocktail une stratégie idoine et efficiente.
Et en l’occurrence, la décision de subventionner le carburant est à l’évidence d’ordre stratégique. Ce n’est pas qu’une simple décision car l’on y retrouve nos fondamentaux.
Ici en effet, l’objectif est la résilience pour des enjeux pouvant aller de la protection des populations contre la vie chère à l’endiguement de l’inflation, la stabilisation du climat social, la jugulation de frondes sociales, le maintien à flot de l’activité socio-économique, etc.
Et face à tout ceci, l’un des défis est de veiller à rester dans les limites acceptables d’un coût marginal de production favorable.
En d’autres mots, en dépit de la tendance haussière des prix du pétrole brut sur le marché international et tenant compte de l’envolée vertigineuse des prix des intrants, de la déficience de la production pétro-gazière mondiale, de la situation de causalité opportuniste en Ukraine, etc. continuer à fabriquer des produits finis pétroliers ne doit pas se faire à pertes non acceptables.
Il y a une ligne rouge de rentabilité en dessous de laquelle il ne faut pas être. Sinon, l’on devient un facteur impactant pour soi-même.
En résumé donc, lorsqu’une décision nous est proposée, il s’agit d’entrée de jeu de la scruter pour savoir si elle porte un cachet stratégique alors reconnaissable par les 3 indicateurs sus cités.
Une stratégie où l’on ne peut clairement démêler un objectif, des enjeux et des défis à surmonter n’en est pas une.
La décision prise en Côte d’Ivoire d’accorder un réajustement du prix de l’essence et de maintenir celui du gasoil, tout en observant l’évolution de la situation des jours à venir, est dossature avérément stratégique. Divers pays ont aussi adopté des stratégies tenant compte de leurs réalités locales. Il n’y a donc pas à les comparer car elles sont en rapport avec des écosystèmes nationaux différents les uns des autres.
Et aujourd’hui fort heureusement, les populations elles-mêmes arrivent à en faire la lecture en évitant de plus en plus de se laisser infoxer