Par Germain Séhoué
Vous avez dit vote de confiance à Ouattara ? Ah, bon ! Vous vous faites confiance maintenant ? Nous, on ne comprend pas votre gros français là. On retient « confiance ». Vous vous faites confiance maintenant ? Donc pourquoi nous, on est des GOR à mort, alors ? Pourquoi on ne s’est pas montrés souples pour manger un peu avec les gens, pour avoir un peu et éduquer nos enfants, avoir un peu et soigner nos familles, avoir un peu pour nous offrir un toit, avoir un peu et être quelqu’un dans cette vie dure, avoir un peu et ne pas être ces éternels mendiants qui, quand ils arrivent, on murmure : »Il vient encore pour demander l’argent, c’est lui qui n’a jamais rien ». Pourquoi avons-nous sacrifié notre génération alors ?
Nous, on ne comprend pas votre gros français. On pense aux gros sacrifices qu’on a faits durant toutes ces années où on voulait être les champions de la loyauté. Pendant que nos camarades vus comme des traîtres se débrouillaient déjà avec le pouvoir. Ils faisaient déjà un vote de confiance à Ouattara. Pendant longtemps, nous les avons boudés. Des familles ont été disloquées, puisque un membre se trouve proche du pouvoir et qu’il est vu comme un démon. S’il a un peu, tu ne peux pas lui en demander, il faut assumer sa radicalité jusqu’à la tombe. Et les tombes, il y en a eu ! Dieu le sait.
Adama Bictogo n’avait pas besoin de l’opposition pour être élu président de l’Assemblée nationale. Son parti a la majorité gagnante au sein de l’Institution. Il recherche le luxe. Vote de confiance donc pour obtenir quoi ? La CEI ? Le découpage électoral ? D’autres clés de la démocratie ? Et de qui espère-t-on cela ? D’Alassane Ouattara que moi je connais depuis 1990 ou bien de quelqu’un d’autre ? Alassane Ouattara qui, face à ses intérêts, ses ambitions et le pouvoir n’a pas d’état d’âme ? Si Ouattara avait changé et pouvait changer, Guillaume Soro serait en Côte d’ivoire actuellement.
N’est-ce pas Ouattara que le président Henry Konan Bédié a fait partir à l’exil et qui n’a pu rentrer en Côte d’ivoire que grâce à Laurent Gbagbo ? N’est-ce pas ce même Ouattara, inéligible selon la constitution ivoirienne, n’a pu être candidat à la présidentielle que par la volonté et la signature du président Laurent Gbagbo à travers l’application de l’article 48 de la constitution ? Ne sont-ce pas là des votes de confiance ? Mais avec cette confiance, qu’avons-nous récolté ? Une guerre atroce, le bombardement de la résidence du président de la République pendant qu’il y était avec des foules, des famille entières. Si le président Gbagbo est sorti de là vivant, ce n’est pas par la volonté, la gentillesse ou la gratitude de Ouattara, Dieu le sait.
Laurent Gbagbo qui a fait toutes ces choses pour lui, et son épouse, ont été maltraités et humiliés aux yeux du monde. Ce Ouattara, pour dire merci à Gbagbo, l’a envoyé à la CPI pour qu’il y pourrisse. En plus, il a financé des avocats pour ne même pas lui donner la chance de revoir un jour la Côte d’ivoire, son pays. Gbagbo est donc rentré malgré Ouattara. Si Gbagbo lui, a oublié cela, c’est son problème, les gens comme moi, n’ont pas oublié. Et n’ont pas les moyens de l’oubli.
De quelle confiance et de quel Ouattara parlent donc les politologues ? C’est au contraire Ouattara qui doit mettre les Ivoiriens en confiance. C’est lui qui les a assez traumatisés au point qu’ils se méfient de lui. C’est donc lui qui doit les rassurer, pas nous qui sommes déjà à terre.
Ouattara fait les yeux doux pour tranquilliser son pouvoir jusqu’aux prochaines élections présidentielles où il va déclarer sa candidature et se raidir derrière son armée et la France.
C’est pourquoi, bien d’Ivoiriens se sentent ennuyés par ce vote de confiance qui liquéfie totalement l’opposition ivoirienne. Je pense.
Germain Séhoué