L’héritage des Premières Dames précédentes
La Côte d’Ivoire a vu défiler un nombre impressionnant de Premières Dames au fil des mandats présidentiels successifs. De Thérèse Houphouet-Boigny avec son N’Daya International à Dominique Ouattara avec la Fondation Children of Africa, en passant par Henriette Konan Bédié avec Servir, feu Rose Doudou Guéi, et Simone Ehivet Gbagbo, femme politique, membre fondatrice du Front populaire ivoirien, elle a été député, vice-présidente de l’Assemblée nationale, ces femmes ont occupé une place symbolique et parfois opérationnelle dans la sphère publique ivoirienne. Chacune a apporté sa contribution, mais la question demeure : quel est le véritable rôle d’une Première Dame? A quoi sert une Première Dame ?
Dominique Ouattara : Une Première Dame aux multiples casquettes
Dominique Ouattara, actuelle Première Dame, incarne cette dualité. De son propre aveu, elle a abandonné ses activités commerciales pour se consacrer à des actions humanitaires. Toutefois, son implication dépasse largement le cadre traditionnellement défini pour les Premières Dames. Elle a implicitement pris en charge des portefeuilles ministériels et a même été perçue comme une figure politique influente. Cette situation soulève des questions sur la légitimité et la pertinence de son rôle.
La question de la pertinence des Premières Dames
Si les Premières Dames peuvent être des figures charitables et des ambassadrices de causes sociales, leur intervention dans des domaines réservés à l’administration gouvernementale pose problème. En effet, plusieurs ministères sont déjà chargés des mêmes missions qu’elles entreprennent, ce qui soulève des préoccupations quant à la duplication des ressources et au manque de transparence dans l’utilisation des fonds publics.
Quand nous prenons les dossiers de la promotion des causes sociales, du plaidoyer pour les droits des femmes et des enfants, du leadership dans les questions de santé, ou, parfois, de la représentation internationale, sur lesquels elle axe son action, ces thèmes relèvent en principe des ministères de l’Emploi et de la Protection Sociale, de la Santé, de l’Éducation, de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, des Affaires étrangères ou même de la Culture, des Arts et du Tourisme en ce sens que dans certains cas, la promotion de la culture, des arts et du tourisme peut également être considérée comme une initiative sociale, contribuant au développement économique et à la cohésion sociale.
C’est pourquoi, on est en droit de se demander à quoi sert une Première Dame ? Si les institutions qui peuvent faire ou sont habilitées à faire ce qu’elle fait en doublon, existent, pourquoi disperser les ressources du pays dans les activités de Premières Dame ?
Exemples de pays sans Première Dame trop « visibles »
Dans un contexte international, de nombreux pays fonctionnent sans Première Dame active, ou avec des conjoints présidentiels qui choisissent de rester en retrait de la vie publique. Les exemples suivant démontrent que l’absence d’une Première Dame active n’entrave pas nécessairement le fonctionnement d’un pays. On a l’Allemagne, où le mari d’Angela Merkel est resté en grande partie en dehors de la sphère publique. En France, le président Emmanuel Macron est marié à Brigitte Macron, une ancienne enseignante. Bien qu’accompagnant souvent Macron lors de voyages officiels, elle n’a pas de poste officiel et reste discrète politiquement. Au Royaume-Uni, durant le mandat de Theresa May (2016-2019), son époux Philip May est resté en retrait de la scène politique. Au Japon, les épouses des Premiers ministres ont généralement un rôle discret malgré le titre de « Première dame ». Elles ne sont pas aussi actives que dans d’autres pays. Les conjoints des dirigeants politiques internationaux semblent souvent éviter les feux de la rampe. D’où vient-il donc que notre paysage public soit si remué par les Premières Dames !
En mot comme en mille, la question de la pertinence des Premières Dames en Côte d’Ivoire demeure complexe. Si elles peuvent jouer un rôle positif dans la promotion des causes sociales, leur implication dans des domaines politiques et administratifs soulève des interrogations légitimes. Il est temps de revoir le statut et les responsabilités des Premières Dames afin d’assurer une gouvernance plus transparente et efficace.
Germain Séhoué