C’est comme un couperet ! Le verdict contre les 46 soldats encore détenus au Mali depuis juillet 2022 et les 3 femmes déjà libérées est tombé, ce vendredi 30 décembre 2022, au terme de deux jours d’audience de la Cour d’Assises : 20 ans de réclusion criminelle, avec deux millions d’amendes pour chacun des 46 militaires et la peine de mort avec dix millions d’amendes contre chacune des trois femmes soldates déjà rendues à la Côte d’Ivoire pour des raisons humanitaires.
Le Mali marque les esprits
La première des choses qui saute à l’œil, au regard de ce dénouement effroyable donné à l’affaire, alors que les deux parties (les autorités ivoiriennes et les autorités de la Transition malienne) sortaient de la signature d’un accord prometteur, c’est que, ce n’est pas de la blague ! Ce n’est pas du jeu ! Le Mali n’est pas dans l’amusement : il prend son affaire au sérieux. Il pense vraiment que les 49 soldats ivoiriens étaient allés l’agresser : « Crimes d’attentat et complot contre le Gouvernement, atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat, détention, port et transport d’armes et de munitions de guerre ou de défense intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle et collective ayant pour but de troubler l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».
Ça, c’est une brochette d’accusations très graves, qui ne peut pas tenir sur la durée, de l’ordre du jeu. Les deux pays frères ne s’étaient jamais donné cette tradition de jeu d’accusations graves. Mais le Gouvernement malien a soutenu la même thèse à la haute tribune de l’ONU et sa justice vient d’imprimer ce ton dans son verdict post-accord politique du 30 décembre 2022.
20 ans de prison ferme pour nos soldats, cela prouve que ce que le Mali leur reproche, est effectivement, extrêmement grave. 20 ans !
Les missions des femmes, plus graves que celles des 46 soldats ?
La deuxième chose qui frappe la conscience, c’est la condamnation à mort des trois soldates déjà rendues à la Côte d’Ivoire pour des raisons humanitaires. 20 ans de réclusion criminelle, avec deux millions d’amendes pour chacun des 46 militaires et la peine de mort avec dix millions d’amendes contre chacune des trois femmes soldates déjà rendues à la Côte d’Ivoire pour des raisons humanitaires.
Sans avoir besoin de connaître forcément les raisons précises de ces peines, on devine que les missions reprochées ou reconnues à ces dames devraient être plus graves que celles des autres soldats. Peine de mort, 10 millions d’amendes !
Procès expéditif ? Procès de 49 personnes en deux jours, oui, on peut le dire ! Cela s’explique-t-il par l’ultimatum de la CEDEAO au 31 décembre 2022 ou par l’accord politique signé avec les autorités ivoiriennes et maliennes ? Jusqu’à présent, aucun journaliste ou juriste n’a rapporté le contenu du procès ni du dossier d’instruction. Personne n’en sait rien, ou n’en dit à l’opinion.
Car si le procès s’est tenu en deux jours, les soldats, eux, sont à la disposition du pouvoir ou de la justice malienne depuis cinq mois. Et en cinq mois, on peut obtenir beaucoup d’informations, surtout quand les soldats accusés ne sont pas en fuite. Et personne ne sait quels aveux le Mali pourrait avoir obtenu d’eux, qui feraient faciliter la tâche à la justice.
Tout ça, ce sont des schémas, des pistes de réflexion pour essayer de comprendre ce qui s’est passé à Bamako depuis juillet 2022.
En clair, par ce verdict lourd de sa justice contre les 49 soldats ivoiriens, le Mali tient à marquer les esprit, à faire comprendre qu’il est « dans son sérieux ». Et que même si par un accord politique, il peut consentir à libérer les militaires qu’il détient, on doit se souvenir que quelque chose s’est passé, et que c’était « sérieux ».
Pour sûr, au moment où l’Ivoirien s’apprêtait à entrer en 2023 avec la joie de la bonne libération de nos 46 soldats du Mali (à preuve : les annonces de leur libération avec commentaires du ministre d’Etat Kafana Gilbert, Jean Bonin, Alain Lobognon, etc.), c’est un verdict infamant qui tombe et attriste toute une nation.
C’est ce que je crois comprendre.
Germain Séhoué