Par Germain Séhoué
Incroyable mais vrai ! Cela fait un an, je dis bien un an ! 17 juin 2021-17 juin 2022. Un an que Laurent Gbagbo a retrouvé la Côte d’Ivoire. Et depuis, pas un petit « bonjour, comment ça va « , que nous aimons tant, serait-ce que par personne interposée, à l’endroit de « ses » journalistes. Ces journalistes qui, parfois dans le dénuement, pendant plus de dix ans, ont combattu sans relâche pour sa libération. Oui, leur travail a été un vrai combat, comme celui des militaires, avec leurs armes à eux, la plume, le micro.
Ils sont du quotidien Le Temps, le journal de Mme Nady Bamba. La Petite Maman. Ils sont des anciens journalistes de cet organe et d’autres organes de presse en Côte d’Ivoire. Plus de dix ans de combat, de loyauté, de constance. Ils ne demandent rien d’autre qu’un bonjour sympathique, qui les encourage, montre qu’ils n’ont pas eu tort de maintenir leur engagement. Mais voilà un an, plus de 365 jours francs, que le Woody de Mama est là. Et il ne semble pas se préoccuper de ses petits, de qui a fait quoi pour lui derrière lui, ici.
Ce Gbagbo ne peut pas être celui qu’ils ont connu dix ans plus tôt. Ça ne peut pas être une affaire de séquelles de la prison. Qu’a-t-on mis dans ses oreilles pour qu’il devienne si oublieux de certaines traditions ? Car dans la tradition de la société, la reconnaissance, l’expression de la gratitude, donne la joie, le soulagement à celui qui s’est saigné hier pour vous. Mais voilà un an que Laurent Gbagbo ne dit rien et ne fait rien pour ceux qu’on appelait hier, ses journalistes.
Mais le fait est d’autant plus curieux que celle qui est sa proximité directe et lui souffle constamment des mots à l’oreille, Mme Nady Bamba, par qui le monde entier passe pour le voir, est la patronne des journalistes de Le Temps. Mais pourquoi et comment peut-elle manquer d’inspiration pour ses propres employés, elle qui est mieux placée pour connaître leurs sacrifices ? N’est-ce pas elle, Mme Nady Bamba, si généreuse qu’elle nourrissait les Africains à CPI, selon Laurent Gbagbo ? Comment donc peut-elle être capable de ne rien pouvoir souffler à l’oreille mythique pour la joie de ceux qu’elle connait, qui, depuis toujours, soutiennent le combat et les idéaux du Chef ? Comment est-ce possible ?
Qu’a-t-on mis dans les oreilles de Laurent Gbagbo pour que notre attente soit si longue ?
Moi-même, Germain Séhoué, Laurent Gbagbo ne se souvient pas que j’ai été le seul journaliste ivoirien dont le livre l’a défendu jusqu’à la CPI. Mme Nady Bamba aurait oublié qu’elle me disait au téléphone quand ça chauffait : « Envoie un exemplaire de ton livre à l’avocat pour la défense du Président ». Mais, entre-nous, Petite Maman, ai-je besoin vraiment, de faire 40 jours de jeûne sec pour mériter un petit « bonjour » du président Laurent Gbagbo ? Ah, Petite Maman ! Quand même hein !
Un simple coucou nous aurait gonflés de joie et de fierté ! Surtout que nous sommes la risée de nos vis-à-vis. Mais tout le monde, sauf ceux qui ont leurs entrées habituelles chez le président, tout le monde est dans l’interrogation aujourd’hui, un an après: « Mon frère, nous-mêmes, on ne comprend plus rien ici ooh ». Que fait le président Gbagbo pour être si occupé et ne pas avoir une minute, en un an, pour dire un bonjour à ses petits, des gens qui attendent ça depuis des années !
Je parie qu’il y aura d’agréables compagnons de lutte qui soutiendront que c’est par stratégie que le Woody de Mama refroidit volontairement une strate de son propre écosystème. En plein vol. Ce serait tout de même une stratégie de l’absurde, où un homme politique, généralement en quête de plus-value de suffrage, se dit : « Ma cote de popularité est trop haute, il faut la réduire un peu ! De toutes les façons, il en restera toujours assez pour triompher sur tous les hippodromes. C’est quand même moi, la légende vivante ! »
Non, non ! Quoique à des années lumière de son peuple, en termes de mentalité, Laurent Gbagbo ne peut pas être aussi insaisissable ! Il peut oublier, c’est humain. Ou même avoir plus les yeux fixés sur les journalistes qui peignent en noir sa politique que sur ceux qui la présentent en couleur. Dans ces conditions, à quoi servent tous ces conseillers bardés de diplômes ? A quoi, surtout ceux qui ont l’avantage de lui parler jusque dans l’oreille interne ? Pourtant, il suffit par exemple, de dire : « Mon joli Papa chéri, n’oublie pas mon bataillon, mon bataillon plume-micro, il y a longtemps qu’il est aussi dans l’attente… », un peu de baratin pour l’amour de nous, pour que l’affaire soit pliée et calée dans le sac ! Et que nous devenions des poètes de la joie. Le président Laurent Gbagbo ne peut pas gâter son nom, en mordant quelqu’un pour ça, tout de même ! Et d’ailleurs, Petite Maman, s’il te mord pour ça, ça fait quoi ! Ça peut arriver ! C’est mieux que de nous voir démobilisés. Ou bien ?
C’est pourquoi, qu’a-t-on mis dans les oreilles de Laurent Gbagbo pour qu’il ne nous regarde pas ?
Germain Séhoué