Le 6 avril 2024, à Agboville, à l’occasion de la Fête de la Renaissance du Parti des Peuples Africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) et abordant le sujet de l’autonomisation de la femme, le président Laurent Gbagbo a déclaré ceci : « Y en a un qui dit : “C’est moi qui faisais la cuisine pour Gbagbo en prison”. Mais, il ne dit pas qui donnait l’argent. C’est bien Nady Bamba qui donnait l’argent. Il faut le savoir…»
Cette insistance a frappé notre conscience. Car dans le feu de son retour, le 28 juin 2021, alors que l’humanité attendait avec impatience les mots de l’ex-prisonnier de la CPI, Laurent Gbagbo, pour recevoir un message particulier, il a décrit ce qui l’avait marqué pendant son incarcération à Scheveningen en ces termes : « Ma petite femme Nady, il faut la remercier. Elle a quitté Accra où elle était en exil pour demander l’asile aux Pays-Bas afin d’être toujours avec moi… C’est elle qui me donnait chaque mois de l’argent. Elle m’a aidé à nourrir tous les Africains qui étaient là-bas (à la Haye) ».
Pourquoi ? « Parce que la nourriture qu’on nous sert en prison n’est pas bonne.» À la lumière de cette vérité émouvante, il convient de remercier vivement Mme Nady Bamba qui a pris soin de l’ancien Chef de l’État et lui a épargné une nourriture difficile en prison. Vraiment, merci Mme Nady Bamba !
Mais le problème soulevé ici par le président Laurent Gbagbo, sans le proclamer, c’est celui de l’ingratitude humaine. Si Laurent Gbagbo revient sur l’épisode de l’aide financière de sa femme en prison, c’est qu’il a attendu en vain cette aide de ceux dont c’était le devoir en pareilles circonstances. Alors qui sont-ils et où étaient-ils au moment où Laurent Gbagbo avait le plus besoin d’eux, pour que ce soit sa petite femme, Mme Nady Bamba, qui se dépouille pour lui, et pour ses co-détenus à Scheveningen ?
Cette question est centrale dans tout le combat que nous menons. L’importance de la reconnaissance du bienfait. Laurent Gbagbo n’est pas n’importe qui. Il a été président de la République, Chef de l’État de Côte d’Ivoire pendant dix ans. Et pendant cette période, il a rendu d’énormes services à des milliers de gens. Ceux qu’il connaissait comme ceux qu’il ne connaissait pas, beaucoup de personnes ont vu leur vie changée grâce à Laurent Gbagbo. Et toutes ces personnes ne peuvent pas être ingrates, ne devraient pas être oublieuses.
Plusieurs personnalités (FPI, RDR, MPCI, PDCI, PIT, UDPCI, etc.) devenues ministres grâce au régime du président Laurent Gbagbo ont fait fortune. Et même si les temps sont durs, tous ces anciens membres de gouvernement (y compris les ministres rebelles) ne peuvent pas devenir tous des indigents ou des ingrats. Hélas !
Pendant les dix années de pouvoir de Laurent Gbagbo, beaucoup de cadres sont devenus Directeurs, Directeurs centraux, etc., ou occupaient des postes anonymes, mais juteux. Tous ceux-là, pouvaient-ils oublier aussi facilement leur bienfaiteur en prison ? Hélas !
Pendant qu’il était au pouvoir, le couple présidentiel a beaucoup collaboré avec des hommes de Dieu dont certains se retrouvaient dans des missions stratégiques. Tous ces hommes de Dieu riches, dont certains pouvaient être heureux de lui rendre visite à La Haye, n’auraient jamais été tentés d’assurer un repas à l’ancien président en prison ? Combien peut coûter le repas journalier d’un prisonnier de Scheveningen pour que personne n’y arrive ! Combien de si prohibitif !
Et ces milliers de patriotes de la Diaspora africaine et ces bonnes volontés venant des quatre coins du monde et déferlant chaque semaine à La Haye pour apporter leur soutien à Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ? Tous ceux-là, dont certains louaient à eux seuls des convois gigantesques pour cette cause, arrivaient-ils là-bas, les mains vides ? Rien que pour faire du bruit ?
Sans prétendre avoir raison, faisons cette petite comparaison. Quand nous prenons le cas des citoyens ordinaires qui rendent visite à un proche (parent, ami, patron, etc.) en prison à la MACA, à la MAMA ou autre prison en Côte d’Ivoire, ces personnes prennent le soin de lui apporter quelque chose, notamment, un peu d’argent.
À supposer que, à La Haye, 5000 personnes donnent chacune 5000 Fcfa, on aura 25 millions de FCFA pour le repas de Laurent Gbagbo. Et s’il consomme 25 000 FCFA par jour, cela fera mille (1000) jours de repas assurés, seulement à ce niveau de la Diaspora. Près de trois ans de repas. Or, des individus reconnaissants peuvent offrir, eux seuls, plus de 25 millions de FCFA à Laurent Gbagbo en difficulté. Mais nous ne comprenons pas. De toute cette Diaspora, personne ne pouvait laisser un petit Euro à Laurent Gbagbo pour sa cuisine, pour que Mme Nady Bamba se ruine tous les jours ?
Si tel est le cas, et du côté de sa famille biologique ? Ses frères et sœurs, cousins et autres, à commencer par Mme Jeannette Koudou, ne sont pas des nécessiteux, ni des chômeurs. Où sont-ils passés pour que leur frère, notre Héro dans les liens de la justice, soit abandonné aux seuls soins de sa petite femme ? Où sont-ils passés ?
Et si à ce niveau, les choses ne semblent pas bien tourner, qu’en est-il du côté des enfants même de Laurent Gbagbo, c’est-à-dire Michel Gbagbo et ses frères et sœurs, ainsi que leurs beaux-frères et gendres prospères, Stéphane Kipré et autres ? Toutes ces personnes ne pouvaient-elles pas mobiliser assez d’argent pour nourrir leur père en prison ? N’avaient-ils pas pitié de Mme Nady Bamba ?
À cette question, nous ne pouvons rien affirmer. Mais au regard de l’insistance du président Laurent Gbagbo sur l’aide financière de sa femme Nady Bamba (et nous savons qu’il y reviendra à chaque occasion), il convient de penser qu’il y a eu un déficit de la part de ceux dont il attendait le secours. C’est du « J’ACCUSE ».
Dans la vie quotidienne, des anciens ministres ou anciens Directeurs, continuent de recevoir des soutiens financiers et matériels de personnes qu’ils ont aidées à obtenir par exemple, une bourse d’études ou un emploi nourricier. Mais si tout ce monde qu’ont aidé Laurent Gbagbo et son régime à faire fortune ou à se suffire simplement, ne lui a pas retourné l’ascenseur au moment où il en avait besoin, il y a problème !
C’est l’ingratitude ! Une ingratitude qui aurait obligé Mme Nady Bamba à supporter seule la charge de la nourriture carcérale de son époux pendant 8 ans ! C’est certainement cette ingratitude que dénonce l’ancien chef de l’État Laurent Gbagbo, en rappelant la générosité de sa femme en sa faveur pendant ses jours de prison.
Germain Séhoué
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