Par serges n’guessant (Fratmat.info)
Du 15 février au 15 mars dernier, vous avez participé, pour le compte de la Côte d’Ivoire, à la Résidence d’écrivains internationaux Ebedi Iseyin du Nigeria. Quel bilan faites-vous de votre présence à ce rendez-vous littéraire international ?
Il faut dire que ce rendez-vous a pour objectif de fournir un environnement propice aux écrivains pour terminer leurs travaux en cours mais aussi favoriser l’unité et la compréhension entre les écrivains africains et leur permettre de mieux connaître le continent africain. J’étais à cette 57e session avec trois consœurs : la poétesse ghanéenne Senam Aku Biddah, la photographe documentaire nigériane Favour Charles Elemi et la poétesse nigérienne Fatima Mashoud. J’avoue que c’était une expérience très enrichissante. Je me suis découvert la capacité de pouvoir écrire un roman en moins d’un mois. Sans oublier la faculté de coacher de jeunes écrivains dans le respect de leur inspiration.
On peut donc s’attendre très bientôt à un nouveau roman ?
Oui. Il sortira bientôt aux éditions Kamit. Il est intitulé « Et les bêtes sauvages votèrent ; les morts aussi». Quelque peu la suite de « En attendant le vote des bêtes sauvages» de feu Ahmadou Kourouma. C’est une satyre qui met en scène un obscur président d’un pays flottant, quelque part, entre ciel et terre, qui s’allie avec le diable pour s’arroger le pouvoir à vie. Et dans cette dynamique, il fait revenir à la vie les morts et mobilisent les bêtes sauvages, son plus sûr électorat. De grands personnages romanesques ou historiques traversent l’histoire de cette œuvre, tantôt comme adjuvant du président, tantôt comme ses antagonistes. Voici résumé mon nouveau roman prêt à être édité. J’attends donc un soutien financier de personnes de bonne volonté pour l’édition.
Vous le disiez tantôt, on peut écrire un roman en un mois… Quel est le secret?
D’abord, se fixer un gabarit : en heures par jour ou en pages par jour. Moi j’ai choisi un nombre de pages à écrire par jour, contrairement à la romancière belge Amélie Nothomb qui, elle, écrit 4 heures par jour. D’ailleurs, c’est d’elle que je me suis inspirée. Après, il faut exercer une contrainte sur soi-même pour respecter cet objectif journalier. Ça veut dire, inspiration ou pas, il faut s’obliger à être productif. Dans mon cas, après les 2 et 3 premiers jours, cet objectif est devenu une routine et je suis même allée au-delà en écrivant plus de 10 pages certains jours. Vous avez aussi parlé de coaching de jeunes écrivains. Selon vous, qu’est-ce qui faut à un jeune amateur pour être un bon écrivain ? Question complexe. Mais je dirai simplement qu’il doit avoir juste un style propre à lui qui viendrait donner à son imagination un air de jamais vu. Je pense que le meilleur style qui crée l’originalité, c’est de ne pas être pédant, être très léger et sacrément marrant pour détendre le lecteur pris dans un monde glauque.
Comment jugez-vous aujourd’hui le secteur du livre en Côte d’Ivoire ?
Ma réponse est bâtie sur des constats qui sont les miens et qui prennent sens à partir de mon expérience au Nigeria où le livre est vraiment magnifié, jusque chez les plus petits et les jeunes. Le monde du livre ici est triste, timide, sans une quelconque stratégie de positionner la littérature ivoirienne nulle part et d’amener les différents acteurs (lecteurs, élèves, citoyens lambda) à s’en approprier. En un mot, le monde du livre en Côte d’Ivoire est «mort» et c’est dommage. Peut-être que j’y suis pour quelque chose aussi, moi qui n’ai jamais fait la promotion de mes livres en Côte d’Ivoire, depuis mon retour ici…
Y a-t-il tout de même des raisons d’espérer de voir une industrie du livre rayonnante ?
Absolument ! Rien n’est ni tout noir, ni tout blanc. Et ce n’est pas en littérature que ce manichéisme aurait sa place. Les écrivains ivoiriens sont fantastiques. Ils sont prolixes, ils ont des choses à dire au monde. Et cela est déjà un bon ingrédient pour faire revivre cette industrie qui, il y a une vingtaine d’années en arrière, sinon moins, faisait la fierté de la littérature africaine et même mondiale. Souvenez-vous des Zadi Zaourou, Ahmadou Kourouma, Bernard B. Dadié dont un des poèmes a été mis en musique pour un blockbuster, le film Amistad. C’est pour vous dire qu’il y a énormément de raisons d’espérer. Mais cela doit être bien accompagné et structuré par des politiques nationales de promotion du livre et de la littérature.