C’est une vidéo stupéfiante qui circule depuis hier, 24 janvier 2023 sur les réseaux sociaux, montrant une séquence du procès de l’ancien chef de l’Etat guinéen Daddis Camara à Conakry.
Dans cette vidéo, on voit l’Avocat ou le Procureur accusant avec passion et une véritable émotion, l’ancien chef de l’Etat Daddis Camara de s’être offert l’expertise mythique de « son conseiller Guillaume Soro », pour tenter de se maintenir au pouvoir, alors que la rue gronde contre lui le 28 septembre 2009. Voici les propres mots de l’Avocat à l’adresse de Daddis Camara :
« Votre conseiller personnel Idriss Chérif, lui, il vous a dit qu’il va faire venir les féticheurs de Guillaume Soro de Côte d’Ivoire, là où il y a eu plus de 3000 morts. Et que lui, il est capable de vous faire éliminer toutes les personnes obstacles pour conserver le pouvoir. Pourquoi vous les avez écoutés ? Pourquoi vous avez accepté leurs sacrifices ? Parce que, ça aurait pu être nous, les Guinéens. On a abattu des bœufs à tous les carrefours à Conakry pendant votre régime. »
Et de clarifier sa question :
« En exécutant les sacrifices dressés, soulignés par les féticheurs ivoiriens, on vous a dit d’abattre des bœufs dans tous les carrefours de la ville de Conakry. Le féticheur de Guillaume Soro vous a dit que pour qu’il puisse vous aider à faire ce que vous voulez, il faut qu’il y ait du sang (!), humain ! Vous étiez d’accord avec le principe posé par les féticheurs ivoiriens. Pourquoi avez-vous accepté de faire les sacrifices imposés par les féticheurs ivoiriens pour verser le sang humain sur le sol guinéen ? «
Voilà l’accusation. Une accusation qui n’est pas mineure parce qu’elle est grave et ne peut, ne doit laisser l’accusé, Guillaume Soro, sans voix, sans réaction.
D’abord le fait que la révélation éclate dans un cadre solennel particulier, au procès d’un ancien chef d’Etat, procès public, fort médiatisé, interpelle Guillaume Soro. On lui en veut indirectement d’avoir aidé le régime de l’ancien chef de l’Etat guinéen, à massacrer les populations, à verser le sang. Guillaume Soro doit répondre.
Et si son expertise mystique et sanglante est reconnue au plan international (Burkina Faso, Sénégal, Guinée Conakry), lui-même doit se douter que les siens, les Ivoiriens, sont fondés à s’interroger:
Oú est-ce que notre fils Guillaume Soro a fait sa formation si pointue et tant prisée à l’extérieur ? Donner un plan mystique pour que coule le sang, beaucoup de sang, afin que son client se maintienne au pouvoir… Où Guillaume Soro a-t-il appris cela ?
On sait qu’il a été leader estudiantin, ensuite chef de la rébellion de 2002 qui a fini par emmener son camp au pouvoir en Côte d’Ivoire en 2011 à la faveur d’une guerre atroce où il y a eu plus de 3000 morts.
Sur quel théâtre des opérations Guillaume Soro et ses féticheurs ont fait leurs classes ? Où cette expertise décrite avec effroi au procès de Daddis Camara, a-t-elle été validée avant d’aller à la conquête du monde ? Où ?
L’expérience de l’enterrement massif des bœufs à des carrefours de la ville a été acquise dans quelle école, dans quelle ville-pilote ? Et si l’objectif est de tuer pour le pouvoir, » verser le sang humain », comment Guillaume Soro a pu s’assurer de l’infaillibilité de sa méthode, comment sait-il que ça marche toujours, puisqu’il n’a jamais dirigé un pays ? Comment ?
Et que viennent faire nos 3000 morts de la guerre de 2010-2011 dans cette affaire pour que l’Avocat s’effraie, en disant : »ça aurait pu être nous, les Guinéens » ? Quel rapport y a-t-il entre ces 3000 morts et l’expertise mystique de Guillaume Soro, l’ancien président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire ?
Guillaume Soro doit se douter que cette révélation, cette vidéo suscite toute ces interrogations dans la conscience des Ivoiriens. Parce que, s’il exporte une telle expertise, on suppose qu’il l’a acquise chez lui, en Côte d’Ivoire, en ce sens qu’il n’a pas « étudié » ailleurs à part le terrain ivoirien. Et que ni l’histoire de la rébellion armée qu’il a dirigée pendant huit ans, ni le conflit post-électoral de 2010-2011 qu’il a conduit en tant que Premier ministre sortant du Golf, ne sont clarifiés. Et les ivoiriens ont besoin de lumière.
C’est pourquoi, il ne doit pas se taire, mais expliquer, et expliquer comment, il a acquis une telle performance, au point de l’exporter. Calmement. Guillaume Soro est accusé, sa réaction est attendue.
Germain Séhoué