La présidentielle ivoirienne de 2010 a marqué l’histoire politique du pays par une crise profonde. Le Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations Unies (RSSGNU) a proclamé les résultats électoraux, évinçant ainsi le Conseil constitutionnel, l’organe légalement habilité à le faire. Cette intervention, justifiée par son rôle de « certificateur », a engendré une contestation majeure et divisé les Ivoiriens.
Les partisans d’Alassane Ouattara, donné vainqueur par l’ONU, ont soutenu que l’autorité du RSSGNU surpassait celle des institutions nationales. Pourtant, le paragraphe 2 du préambule de la Résolution 1765 du Conseil de sécurité de l’ONU dit ceci : « Réaffirmant son ferme attachement au respect de la souveraineté, de l’indépendance, de l’intégrité territoriale et de l’unité de la Côte d’Ivoire, et rappelant l’importance des principes de bon voisinage, de non-ingérence et de coopération régionale ». Il réaffirme le respect de la souveraineté et de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. C’est le respect des prérogatives nationales que nient les partisans du président Alassane Ouattara sur les plateaux télé.

Car en réaffirmant la souveraineté et l’indépendance de la Côte d’Ivoire, l’ONU s’engage à ne pas imposer de solutions qui pourraient être perçues comme une ingérence. Cela garantit que les autorités ivoiriennes restent les principaux décideurs dans la gestion de la crise, même si elles bénéficient d’un appui international. Ce paragraphe 2 du préambule sert de cadre, de légitimité des actions internationales, pour justifier l’intervention équilibrée de l’ONU, tout en rassurant sur son respect des principes de non-ingérence, il impose donc, également, des limites à l’action internationale. Cela renforce sa crédibilité auprès des parties prenantes.
Comment donc concilier ce principe avec une action qui prive le Conseil constitutionnel de ses prérogatives ? Est-ce à dire que l’ingérence internationale peut-elle se justifier au nom des intérêts des grandes puissances (la France de Nicolas Sarkozy), tout en bafouant des institutions souveraines ? L’ONU, en déniant au Conseil constitutionnel son rôle, a violé le paragraphe 2 du préambule de sa propre résolution. C’est une aberration.

Quant au Paragraphe 6 de la même Résolution 1765, il indique ceci: « Décide de mettre un terme au mandat du Haut Représentant pour les Elections, décide en conséquence que le Représentant Spécial du Secrétaire général en Côte d’Ivoire certifiera que tous les stades du processus électoral fourniront toutes les garanties nécessaires pour la tenue d’élections présidentielle et législatives ouvertes, libres, justes et transparentes, conformément aux normes internationales ». Mais la « vérification que les conditions nécessaires sont réunies pour garantir des élections ouvertes, libres, justes et transparentes, conformément aux normes internationales » ne signifie pas que l’ONU proclame les résultats. Elle indique que l’ONU, via son Représentant Spécial, certifie que le processus électoral respecte les normes internationales, mais la proclamation officielle des résultats reste la prérogative des institutions nationales compétentes. Et l’Institution qui a le dernier mot ici, c’est la Conseil Constitutionnel contraint à se dédire.
Germain Séhoué