Mercredi 26 juillet 2023. Il est 22h 20. Je reviens d’un groupe scolaire de Koumassi. J’ai mal. Depuis 17h-18h déjà, beaucoup de personnes ont pris leur place, à partir de la porte de la salle où se fait l’enrôlement pour la carte CMU, Couverture maladie universelle.
Et à 22h 10, les gens sont couchés par terre. Des mamans, des jeunes filles, des garçons, des papas. Ils sont là, sur natte, sur cartons, sur un morceau de pagne. Pourvu que le jour les trouve là. Pourvu surtout que les agents de la CMU les trouvent et les enregistrent afin d’obtenir cette fameuse carte. Et d’autres arrivent, un à un…
J’ai eu mal à voir ce monde versé par terre. On aurait dit des bêtes couchées. Comme ça ! Répandu au sol. Les classes sont fermées. Et moi qui suis de passage, j’ai déjà froid. Froid même. En plus, les moustiques signalent leur inimitié. Sans état d’âme. D’ailleurs, ils n’ont pas d’âme alors… Pour moi qui suis de passage, voyez. Et pour ces personnes venues se livrer alors ? Par ces temps pluvieux, imaginez un peu une de ces pluies de chien ! Que feront tous ces enfants ? Que feront toutes ces femmes et ces gens aux vieux os ? Chercher à s’agglutiner quelque part, grelotant de froid ?
La carte sera obtenue. Mais certains, plus vulnérables, rentreront avec la maladie: le froid même, le paludisme et quoi encore ! Toutes ces maladies face auxquelles la CMU même a l’habitude de s’esquiver. J’étais sans voix. Les salles de classe fermées sont éclairées. Mais là où sont couchés les gens, il n’y a pas de lumière. On ne peut pas réussir de photos.
J’ai entendu une voix féminine à côté, dire à sa camarade : « J’ai envie d’aller aux toilettes, je vais à la maison pour revenir. Je vais profiter pour venir avec ma couverture et des chaussettes, à cause des moustiques ». On se croirait dans un camp de réfugiés. Mais c’est pour la carte CMU.
Selon une dame qui nous a donné l’information du drame qui se passe là, elle a fait pour elle. Son mari a dû sauter la clôture de l’école pour prendre place dans le rang à 3h du matin. Il a passé le reste de la nuit là, dans le rang. C’est le matin que elle-même et leurs deux enfants ont rejoint papa. Ils étaient parmi les 20 premières personnes. C’était la semaine dernière. Mais aujourd’hui, c’est à part de 17h ou 18h, la veille que les gens se positionnent. C’est dramatique.
Forcer une population à acquérir un document qui n’a pas pu se vendre lui-même… c’est un problème. Car si la CMU résolvait véritablement les problèmes des malades, personne ne se ferait prier pour l’acquérir. Les gens accourraient d’eux-mêmes pour s’établir cette pièce. Hélas ! Elle est imposée. Et les foules doivent dormir à la belle étoile, en proie aux moustiques, froid et pluies. J’ai mal.
Germain Séhoué