Par Germain Séhoué
La rencontre tant attendue entre les trois géants de la politique ivoirienne a eu lieu hier, 14 juillet 2022, au Palais de la présidence de la République, au Plateau. Le président de la République, Alassane Ouattara a eu l’occasion, pour les besoins de la communication, de plaisanter au micro avec les présidents Henry Konan Bédié et Laurent Gbagbo. Main dans la main.
C’est bien. C’était beau, les sourires protocolaires. Mais le marché des sourires, non déficitaire en Côte d’ivoire, n’était pas la préoccupation des Ivoiriens. Car le président Ouattara et ses invités nous ont vendu, rien que des sourires ce 14 juillet 2022, contre notre espoir du minimum. Sinon qu’y a-t-il eu, concrètement, comme ébauche de solution relativement aux espérances des Ivoiriens ?
Le chef de l’Etat Alassane Ouattara connaît déjà les résultats du Dialogue politique. C’est-à-dire ce pourquoi il reçoit ses prédécesseurs. Surtout que c’est lui qui les a invités. Ce n’est donc pas un dossier qu’il découvrirait à cette rencontre métamorphosée en prise de contact.
Quel petit cadeau a-t-il préparé à leur arrivée pour le peuple, manifestant sa bonne disposition sur le dossier bien connu?
On se gargarise d’une certaine DÉCRISPATION. Mais il y a longtemps que la Côte d’Ivoire n’est plus crispée, même si les gens ont leurs soucis.
C’est parce que les Ivoiriens ne sont plus crispés, que toute l’opposition avait soutenu l’élection de l’honorable Adama Bictogo à la présidence de l’Assemblée nationale. Ou bien ! Cette magnifique solidarité autour du député d’Agboville était même déjà le levain de la DÉCRISPATION. On ne peut donc pas aller de levain en levain.
Ou alors ce sont eux-mêmes les trois géants qui se sentaient crispés ? Par rapport à quoi ?
Les Ivoiriens ne se regardant plus en chiens de faïence, il faut aller à l’essentiel. Le chef de l’Etat pourrait par exemple dire : « Avant même l’entame des discussions, je suis favorable pour tel ou tel élément du dossier…? » Et l’annonce de cette ouverture, ferait son effet en lieu et place du marché des sourires.
Je suis persuadé que, malgré le communiqué final d’une pauvreté désespérante, nos robustes présidents Henry Konan Bedié et Laurent Gbagbo, ne peuvent pas aller à cette rencontre pour uniquement s’admirer les uns les autres. Mais qu’ils ont obtenu quelque chose qu’ils se gardent d’annoncer pour l’instant.
Seulement il aurait été bon d’offrir « un peu » ce que le chef de l’Etat a cédé.
Car les préoccupations des ivoiriens ressemblent à ce qui suit :
« I- L’ENVIRONNEMENT POLITIQUE
- La libération des prisonniers politiques, civils et militaires de la période 2010 à 2020;
- Le retour sécurisé de tous les exilés dont CHARLES BLÉ GOUDE et GUILLAUME SORO
- La cessation des poursuites judiciaires
- La poursuite des discussions à un haut niveau
- L’organisation des assises Nationale pour la paix et la Réconciliation
- La mise en place d’un projet de repentance pour l’ensemble de la classe politique.
- La mise en place d’un système de justice et de réparation pour les victimes.
II- L’ENVIRONNEMENT ÉLECTORAL
- L’amélioration du découpage électoral ;
- L’audit de la liste électorale, à l’instar de ce qui s’est fait au Burkina Faso et en Guinée ;
II-1 – L’ENVIRONNEMENT SOCIO-POLITIQUE
- L’élargissement du cadre du dialogue politique à tous les acteurs politiques significatifs, notamment le Premier Ministre Guillaume SORO;
- Les questions de sécurité et d’intégrité territoriale (incursions terr.oristes au Nord du pays, l’orpaillage clandestin, le phénomène des micr.obes, la question des mil.ices privées et des dozos);
- La question de la maîtrise de l’immigration et ses corollaires (conflits communautaires, fra.ude sur la nationalité ivoirienne, la pression sur le foncier rural);
- La question des libertés publiques (liberté de manifestations pacifiques, liberté d’expression et d’opinion);
- L’indépendance de la justice ;
- La question du mode de révision de la Constitution (adoption par référendum, exclusivement);
- Les entraves au libre fonctionnement des partis politiques (le non-paiement de la subvention de l’Etat depuis deux ans, la pression exercée sur les cadres des partis de l’opposition pour les obliger à adhérer au parti au pouvoir);
- La question de la Carte Nationale d’identité (coût, inscription des noms du père et de la mère, facilite de délivrance)
II-2- L’ENVIRONNEMENT DES ÉLECTIONS
- La mise en place d’un organe électoral indépendant et impartial, selon les normes internationales;
- L’instauration d’un système d’inscription sur la liste électorale de façon permanente;
- La question de la sécurisation des opérations électorales pour garantir leur sincérité (violence électorale, destruction d’urnes et intimidation des électeurs); etc. »
Voilà à peu près ce que les Ivoiriens aimeraient avoir sous la dent. Après, le chef de l’Etat pourra organiser un bal poussière pour les trois dinosaures de la politique ivoirienne. Ce serait la foire aux rires et éclats de rire.