Boni n’a jamais touché le sexe féminin. Adolescent, robuste, le mamelon d’Affoué lui donne des fantasmes. C’est fascinant avec cet arc-en-ciel au bout du sein. Il veut toucher en haut. Surtout en bas. C’est en bas que se trouve la République d’Affoué. Le fauteuil présidentiel se trouve en bas. Et cette nuit, Boni veut prendre le pouvoir. Est-ce le jour de son jour ? Maintenant que, venue pour Pâquinou, Affoué se retrouve dans la même chambre que lui chez Mami, cette nuit, le pouvoir est à portée de sa main. De sa natte, dans le noir, il tend la main vers le matelas où s’en dort la jeune fille épuisée par des travaux de la journée. Il essaie de ramper pour un rapprochement diplomatique. Est-ce une négociation ou un coup de force ? On verra.
A peine a-t-il posé le doigt sur le drap qu’un vieux ressort de natte grince comme un tam-tam d’alerte. Boni s’immobilise. Silence. Affoué ne bouge pas. Peut-être qu’elle dort toujours. Peut-être qu’elle l’attend. Peut-être que c’est une stratégie de négociation. Il reprend courage, tel un petit ministre en mission confidentielle. Il rampe doucement, chaque centimètre gagné est un décret présidentiel signé dans la clandestinité.
Sa main touche enfin le matelas. Le territoire ennemi. Il sent sous ses doigts la douceur du pagne d’Affoué. Son cœur tambourine. Un tam-tam de guerre ou d’amour ? Il ne sait plus. Il avance encore. Sa main tremble comme un ventilateur mal vissé. Et puis, miracle : il effleure le bras d’Affoué. Elle ne dit rien. Mieux : elle bouge à peine, mais pas pour fuir. Elle s’étire mollement. Est-ce un feu vert ? Un accord tacite du FMI du cœur ?
Boni est désormais sûr d’être en campagne électorale. Il faut convaincre, séduire, promettre. Il approche son visage. Il sent l’odeur d’Affoué. Un mélange de savon noir, de sueur de manioc et de rêve. L’odeur du peuple.
— Affoué… chuchote-t-il, voix de député distrait.
Pas de réponse.
Alors, comme un lion qui a vu l’antilope boiter, il avance la jambe, puis le torse. Il est presque là, sur le matelas, sur le territoire présidentiel. Il tend la main, vers ce bas mystérieux où se trouve, croit-il, la constitution d’Affoué.
Mais soudain, un bruit sec. Une gifle. Une claque. Une correction parlementaire.
— Eh, Boni ! Tu veux mourir ? Va dormir là-bas avant que je ne réveille Mami !
Boni bondit, retourne sur sa natte, battu, humilié, mais vivant. Le pouvoir, ce n’est pas pour cette nuit. Peut-être aux prochaines élections.
Germain Séhoué
(Fiction)