Grand frère, Maurice, tu m’as surpris. Tu es parti. Sans signe annonciateur, me dit-on. Je suis peiné. Tu étais sympathique. Malgré ma si grande faiblesse, chaque fois que tu me voyais, tu disais : « Alors, le dur, ça va ? » En quoi suis-je dur même ? Mes articles sur le président Félix Houphouet Boigny et le Premier ministre Alassane Dramane Ouattara ? Je ne sais pas, mais je me contentais de sourire. Je me souviens encore avec émotion quand tu as crié dans mon oreille en 2012, en disant : « Petit frère, ton livre est fini ! Ton livre est fini ! Je n’ai pas pu avoir aussi. Je suis arrivé à la librairie, on m’a dit ça vient de finir, tu peux me donner le tien ? » C’était vrai. Et plus tard, tu m’as donné de précieux conseils dans le domaine de l’édition.
Grand frère, je suis peiné. Et pourquoi me donnez-vous tant de peine, vous que j’aime tant ? Quand Houphouet Boigny est mort, j’ai été peiné et j’ai pleuré. Pourquoi ? Parce que je ne savais plus sur qui de coriace écrire sans qu’il me jette en prison. Houphouet ne savait pas qu’écrire sur lui me donnait un plaisir explosif. Maurice, ça tu le savais quand nous étions à l’Hebdomadaire le Nouveau Horizon, à Adjamé Renault. Mais Houphouet est mort, sans penser à moi. Je lui ai gardé dent pour cela. Sur qui écrire maintenant avec plaisir ? Bédié ? Pouah ! Henry Konan Bédié d’avant ? C’était l’époque où on ne jouait pas avec Bedié ! Sinon, c’est la MACA direct !
Puis sont arrivés le Grand Cousin et ses cousins. Je me débrouillais avec eux mais… aujourd’hui, le Grand Cousin ne m’intéresse plus. Il n’y a plus de passion à écrire sur lui. Je ne sais pas pourquoi. Voilà que le petit cousin qui, à un moment, me faisait sourire de curiosité, vient de tirer sa révérence, avec le surnom que je lui donné de ma plume, quand il a fait sa gaffe à Daloa : AMADOU-CIMETIÈRE. La mort du petit cousin m’a peiné. C’était cet homme-là dont les sorties nous informaient sur la mentalité et le programme de l’adversaire.
Maintenant qu’il est décédé, qui va nous sortir, par ses déclarations non tamisées, les secrets de la Rue Lepic ! Tu as beau provoquer, remuer, blaguer Adama Bictogo, il n’ouvre pas la bouche, préoccupé par son tabouret. Amadou-cimetière ne devrait pas mourir, si tôt. C’est pourquoi j’en suis peiné.
Voilà qu’à cette peine, tu ajoutes celle de ton départ inopiné. Tu vois dans quel état tu me laisses ? Je suis un homme peiné, Maurice, grand frère. Que ton âme repose en paix.
Germain Séhoué