Par Germain Séhoué
J’ai lu quelque part, sur Internet, qu’il faut un bilan du pouvoir Gbagbo contre celui du pouvoir Ouattara. J’ai souri. Pourquoi ? A quoi ça va servir ce bilan parallèle entre la gestion de Laurent Gbagbo et la gestion d’Alassane Ouattara à la tête de la Côte d’Ivoire ? A quoi vraiment ? Contrairement à Gbagbo, Ouattara ne compte pas sur les électeurs pour être déclaré élu, mais il compte sur l’élection. Pour lui, il suffit qu’il y ait l’élection, une élection, même sans électeurs, il entend gagner. Celui qui n’a pas compris cela, serait un rêveur. C’est pourquoi depuis 2005, sans le désarmement, il bataillait dur pour aller aux élections. Beaucoup, y compris Laurent Gbagbo, ont compté sur les électeurs, sur les Ivoiriens, mais lui Ouattara a compté sur l’élection. Simplement. Il suffit qu’il soit candidat, minoritaire ou non, peu importe ! Il suffit qu’il soit candidat… Voilà la logique de Ouattara et son clan. La logique de ses parrains pour leurs intérêts.
Les actes qu’il pose, les réalisations qu’il fait, c’est pour séduire l’extérieur, ses amis et donner le change. Il investit dans le clinquant, il soigne l’apparence : les lumières, les feux d’artifices, les ponts, le bitume biodégradable, les fêtes… Il veut frapper l’œil, peu importe si tu as faim, peu importe si tu ne peux pas te soigner, peu importe si tu ne peux pas scolariser tes enfants, peu importe si tu n’as pas d’emploi, peu importe si ton entreprise ne trouve pas de marché… peu importe. L’important, que l’étranger voit que la Côte d’Ivoire brille. Brille dans le silence.
C’est pourquoi, il frappe dans tous les camps : cherté de la vie, tout le monde est touché en Côte d’ivoire. Des commerçants, même Dioula, pleurent au marché comme tout le monde. Mais Ouattara avance parce qu’il ne compte pas sur les électeurs. « Il ne compte sur quelqu’un pour le voter », dit la rue. Il compte sur une élection et sur une commission électorale et sur un conseil constitutionnel pour déclarer qu’il est élu. Et il compte sur une force brutale pour sécuriser son maintien au pouvoir. C’est pourquoi un bilan comparatif des gouvernances de Gbagbo et de Ouattara serait bon pour bercer notre conscience et notre ego, mais pas destiné à influencer l’électorat. En ce sens qu’il y a dans la course un « Docteur », Docteur Alassane Ouattara, qui n’a pas besoin d’être élu, mais d’être simplement déclaré élu. Et ses parrains sont d’accord avec cela.
Une alliance PPA-CI -PDCI n’est pas mauvaise. Elle est même encouragée l’union nationale. Mais elle ne force pas au RHDP un cœur démocratique. Le RDR, même devenu RHDP, n’investit pas toujours dans la démocratie, mais dans les moyens de la contourner. D’où la présence de la douleur et des larmes toujours dans une élection où elle est en lice. Cette alliance ne tuera pas la convoitise internationale sur la Côte d’ivoire, notamment la dépendance de la France vorace vivant de ce pays comme une vache à lait.
Car si le PPA-CI et PDCI et leur attelage vont aux élections présidentielles avec Ouattara, et qu’à la fin, alors qu’au vu de leurs PV, ils ont effectivement gagné, mais que les institutions de proclamation des résultats sur lesquelles le RHDP investit, le déclarent vainqueur, que vont-ils faire ? Protester ? Descendre dans la rue ? Il y a sa force brutale mêlée de légion étrangère, sans état d’âme. Et il va se trouver parmi les faucons du RHDP, des gens pour demander : il y a combien de morts ? 100 ? 200 ? Ce n’est pas suffisant pour qu’on recule ! Ainsi de suite. Et au regard de l’horreur et de l’escalade, les leaders qui aiment la Côte d’ivoire et les Ivoiriens vont dire : laissons tomber, pour l’intérêt supérieur de la nation. C’est donc bouclé et géré. Cap sur 2030, toujours avec Ouattara chef de l’Etat. Ainsi de suite.
La comparaison entre les actions de Laurent Gbagbo pour les ivoiriens et celles d’Alassane Ouattara pour eux ne va servir à grand-chose, pour moi. Sauf si Ouattara n’est pas dans le jeu.
Germain Séhoué