Dans son programme de gouvernement, publié longtemps avant les élections présidentielles du 24 mars 2024, le candidat Bassirou Diomaye Faye, aujourd’hui Président de la République du Sénégal, a pris l’engagement de faire entrer le Sénégal dans une zone monétaire regroupant l’ensemble des pays membres de la CEDEAO. Toutefois, si les conditions ne sont pas réunies pour une monnaie commune, Bassirou Diomaye Faye envisage de battre monnaie pour son pays.
Bien évidemment, Macron et la Françafrique, qui ont déjà perdu les États du Sahel et sont en passe d’en perdre d’autres sur le continent, ne dorment plus, tourmentés qu’ils sont par l’élection triomphale du nouveau Président sénégalais et de sa volonté de sortir le Sénégal de la Zone Franc.
La France réalise bien que la sortie du Sénégal du F CFA, sonnera, à n’en point douter, l’hallali de ce dispositif monétaire décrié. Mais Macron et ses mandataires du grand capital sont surtout conscients, et c’est là un drame pour eux, que l’écroulement du Franc CFA entraînera l’accélération rapide du déclin de la moyenne puissance qu’est la France.
Comme pour montrer que l’impérialisme a plusieurs cordes à son arc, la réaction de Macron, après l’élection du nouveau Président sénégalais, ne s’est pas faite attendre. Émasculé par la résistance surprise des pays de l’AES et KO groggy depuis la victoire électorale de Bassirou Diomaye Faye, Macron, contrairement à ses habitudes n’a pas encore embouché la trompette de la menace tout à azimut, il est devenu tout à coup aphone.
Aujourd’hui, toute honte bue, Macron tâte le terrain en faisant plutôt parler des personnalités de second plan et des journalistes.
C’est ainsi qu’un diplomate français déclare dans une parution du journal « Le Monde », que la France est disposée à aller dans le sens d’une réforme du F CFA: « Nous sommes plus que jamais ouverts à cette idée (la réforme du F CFA). C’est ce que le Président (Macron) veut mener depuis des années. Si d’autres points sont à réformer, nous serons réceptifs. ».
Que Macron exprime ainsi sa volonté de réformer le F CFA, aujourd’hui, dans le contexte qui prévaut dans l’ensemble des pays africains « francophones », montre à suffisance que le personnage n’a visiblement rien compris à ce qui se passe dans nos pays.
En effet, les pays africains et leur jeunesse ne parlent pas de réforme, mais bien de rupture. Pourquoi Macron et ses comparses tiennent tant à réformer le Franc CFA, là où les intérêts des pays africains concernés commandent la sortie immédiate de cette zone qui, en réalité, sert d’arrière cour à l’économie française. Au demeurant, ceux qui l’ignoraient encore ont compris, dès le 21 décembre 2019, la nature réelle et le sens des réformes que Macron voulait introduire dans le fonctionnement du Franc CFA.
En effet, ce jour-là, Macron et Alassane Ouattara avaient annoncé, sans rire et en grande pompe, la fin du F CFA. En réalité, ces deux hommes, pour faire baisser la pression des panafricanistes, avaient tout simplement décidé de réaliser un tour de passe-passe en changeant la dénomination F CFA par ÉCO, terme piraté auprès de la CEDEAO, qui a retenu de donner ce nom à sa future monnaie commune.
En agissant ainsi, c’est aussi ce projet monétaire commun, synonyme de danger et menace pour la Zone Franc, que Macron et Ouattara voulaient aussi enterrer.
Cette, « grande » réforme, annoncée au cours d’un spectacle ubuesque, par les deux Chefs d’Etat, a fait flop, comme il fallait s’y attendre.
De fait,, aujourd’hui, plus personne ne veut de ces réformettes.
Quant aux africains, ce qu’ils veulent, c’est rompre avec le Franc CFA, la Zone Franc et tout ce qui leur ressemble, de près ou de loin. Et cette rupture, qui interviendra nécessairement, se fera à l’initiative des pays africains, contre les réformateurs et autres exploiteurs de tout acabit.
Macron et les exploiteurs des pays africains, viennent de perdre une autre bataille avec l’élection, au Sénégal, du Président Bassirou Diomaye Faye. D’autres victoires suivront nécessairement qui finiront par régler définitivement le sort du Franc CFA et de la Zone Franc.
Cependant, restons vigilant et ne baissons pas la garde, conservons le bâton en main, car le serpent n’est pas mort, loin s’en faut.
Abidjan, le 8 avril 2024
DACOURY-TABLEY Philippe-Henri, (Économiste,Ancien Gouverneur de la BCEAO)