Monsieur le Procureur de la Cour Pénale Internationale,
Encore une autre fois, cette fin du mois de Mars 2023, nous, les Wê de l’ouest ivoirien en particulier, les patriotes ivoiriens et tous les démocrates en général, à travers le monde, nous allons nous souvenir. Nous souvenir de deux choses à la fois : le génocide grossier des nôtres encore et toujours impuni ainsi que du mutisme écoeurant de la France et de toute la communauté internationale.
Monsieur le Procureur de la Cour Pénale Internationale,
Vous voudriez bien excuser ou comprendre notre démarche qui consiste à nous adresser à vous de façon directe et publique. Cela est surtout dû au fait qu’il y a quelques années, à Duékoué même, et cela s’entend clairement dans la vidéo que nous avions reçue, le chef de mission d’information de la Cour Pénale Internationale, a répondu comme ça, à une victime dans la salle qui réclamait justice, ‘’que seuls le gouvernement, l’Organisation des Nations Unies et le Procureur de la C.P.I. peuvent porter plainte et engager une procédure’’. Soit !
Monsieur le Procureur de la Cour Pénale Internationale,
Les victimes que nous sommes, nous ne comptons pas sur les gouvernants actuels pour la moindre justice, encore moins l’Organisation des Nations Unies mais c’est plutôt sur vous, monsieur le Procureur, que nous portons notre espérance pour évacuer un contentieux judiciaire vieux de douze ans, là où vos deux prédécesseurs, avec une célérité extraordinaire, avaient fait déporter l’agressé (Laurent GBAGBO), en lieu et place des agresseurs !
Monsieur le Procureur de la Cour Pénale Internationale,
Là où le bât blesse dans cette affaire, c’est que c’est quand même depuis fin 2012 au moins, que dans les médias, des fonctionnaires ou porte-paroles de la C.P.I., sur le dossier ivoirien, ont dit clairement, sans y être obligés, que des convocations concernant le camp adverse et les chefs rebelles étaient prêtes à leur être adressées. Mais pourquoi rien de tout ça, en plus d’une décennie ? Pourquoi ? Devrait-on considérer, de ce fait, que la justice internationale se fait complice de l’injustice, en termes de méchanceté et d’obscurantisme cynique ? Ou bien ces fonctionnaires ou porte-paroles, il leur a plu, en faisant ces annonces sans suite, de flatter l’opinion populaire ou de jouer à la mener en bateau ? Pourquoi, pourquoi cette procédure qui, finalisée ne sera que restauratrice de milliers de cœurs et d’âmes déchirés, dure tant ? Pourquoi, pourquoi ? Pire, en 2011, votre institution (la C.P.I.) a fait irruption sur la scène politique ivoirienne, à l’occasion d’une crise dite post-électorale. Mais du 11 Avril 2011 à toutes les années qui ont suivi jusqu’en 2020 à Guézon (département de Duékoué), que de crimes ou massacres commis et impunis par les milices dozo, ceux-là mêmes qui, avec Amadè Ouérémi et des f.r.c.i. avaient fait pas moins de deux cents morts au camp des réfugiés autochtones Wê de Nahibly le 20 Juillet 2012 ?
Monsieur le Procureur de la Cour Pénale Internationale,
C’est avec la ferme conviction que justice sera rendue un jour aux innocentes victimes que nous sommes, que nous vous adressons ces lignes. Seulement, que de temps passé et perdu par votre institution, alors que les agresseurs et criminels sont là, se vantant de leur cruauté, en toute impunité, menaçants et se disant même prêts à récidiver ? Mettez-vous à notre place de parents, de seuls espoirs ou canaux d’informations toujours assaillis et mis sous pression par ces milliers d’orphelins, de veuves, d’handicapés et d’expropriés par la folie meurtrière qui s’est abattue sur eux depuis Septembre 2002. La vraie délivrance de toutes ces victimes-là, ne peut provenir que de votre institution. Et cela n’est point une confidence mais une très claire évidence.
Monsieur le Procureur de la Cour Pénale Internationale,
Les victimes que nous sommes, continuons d’espérer beaucoup de votre part. Nous vous remercions.
Pour le collectif des victimes de Duékoué (Carrefour & Nahibly) : Emmanuel Caleb, le 25/03/2023.