Guillaume Soro est blessé. Franchement. Le moins qu’on puisse dire à le voir à l’œil nu, c’est que l’ancien Premier ministre, l’ancien Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, l’ancien chef de guerre des Forces nouvelles, le « Sauveur de la République », appelé autrefois « Petit-Gros », est atteint. Amaigri, déshydraté par cinq années d’exil et de traque intercontinentale qui l’ont mis hors d’haleine. Le « Petit-Gros » qui jouissait d’un embonpoint confortable n’est plus que l’ombre de lui-même, flottant affreusement dans son costume de valeur.
Hors d’haleine ? Oui, il le dit, triste : « La dernière tentative d’arrestation opérée à Istanbul démontre, si besoin en était, que le seul lieu de repos paisible que me souhaite M. Ouattara est bien le cimetière. » Et quand le lion voit l’image du cimetière, donc de la mort, il se raidit pour crier : «Je revendique le droit légitime à la vie. Et je n’irai pas plus loin dans mon exil… » Guillaume Soro est esquinté et l’avoue platement : «Il m’est pénible de vivre loin de ma terre ancestrale et natale d’Afrique ».
Mais la pénibilité qu’il évoque ici ne tient pas uniquement de l’éloignement de sa terre ancestrale, mais surtout de la traque sans concession qui le pousse à enjamber villes et continents pour ne pas être capturé, extradé et recevoir les conseils son ancien mentor. « Depuis ces cinq longues années, son obsession forcenée à me mettre aux arrêts ne s’est jamais flétrie. Pis, elle s’est aggravée. » A travers le monde, à cause de son ancien patron Alassane Ouattara, Guillaume Soro ne peut plus marcher dans la rue sans regarder derrière lui. Ouattara serait à tous les coins de rue et capable de jaillir à tout moment. Paris, Istanbul, Bruxelles, Dubaï, etc., le pouvoir ivoirien le guette partout et exige son arrestation : « Informé, j’ai dû me résoudre, la mort dans l’âme, à nouveau, à prendre le pénible chemin de l’exil, m’enfonçant toujours plus loin dans les confins du continent asiatique. »
Le lion Guillaume Soro ne peut avoir de repos et de sommeil tranquille, lui qui, pendant huit années de sa jeunesse, a dirigé une rébellion armée dans l’espoir que la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui, sous son mentor, lui offrirait, à lui et aux siens, repos et jouissance. Huit années au bout desquelles, le lion Soro a pris son armée, de Bouaké à Abidjan, fait œuvre de bravoure et de cynisme pour que, avec les forces coalisées, Laurent Gbagbo soit « dégagé » de la Présidence parce que l’heure aura sonné pour les Républicains de la Rue Lepic. Il a fait tout ce parcours, parfois naïvement, mais avec feu et conviction.
Oui, quand on voit ce palmarès dans le rétroviseur et que depuis cinq années, on ne fait que courir, transpirer, galoper, suer à grosses gouttes et fondre considérablement, alors blessé dans sa chair et dans son âme, on cale son postérieur fripé à quelque chose et on se dit : «Je refuse d’être un fugitif ». De même, on se convainc de ce que de toutes les façons, à quoi bon, si, « après m’avoir fait condamner par une justice émasculée et aux ordres, successivement à 20 ans et à perpétuité, il a entrepris de déclencher contre moi une féroce chasse internationale à l’homme » ? C’est pourquoi, on avance maintenant, soi-même, vers son poursuivant, déclarant : «à partir d’aujourd’hui, je mets fin à mon exil. »
Et celui-là, est un lion blessé. Lui, ne craint plus le danger, n’a plus peur de la mort. Mais sa seule hâte, aujourd’hui, c’est d’en donner à ses poursuivants, à ceux qui l’ont déshydraté au moyen d’une traque exténuante. Mais le danger est pour tout le monde. C’est pourquoi le pouvoir Ouattara doit faire quelque chose, maintenant. Guillaume Soro ou la colère d’un lion blessé. Dieu sauve la Côte d’Ivoire.
Germain Séhoué
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