De 2010 à 2025, la Côte d’Ivoire interroge le rôle de l’ONU : neutralité compromise, justice sélective et soupçon d’encouragement au 4e mandat de Ouattara.
Une suspicion qui traverse deux décennies
J’aimerais bien, et vraiment, que mon analyse soit le fruit d’une erreur d’appréciation. Mais ce qui se passe sous mes yeux, et cela depuis 2000, 2002, 2010-2011, 2020 et 2025, ressemble fort malheureusement à une gigantesque combine de la communauté internationale contre les intérêts du peuple ivoirien, avec au centre, la France et l’Organisation des Nations-Unies (ONU).
La diplomatie ambiguë de l’ONU en 2025
Depuis un moment, on voit le Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations-unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Secrétaire général adjoint Leonardo Santos Simao naviguer à Abidjan dans une diplomatie avec le pouvoir Rhdp et l’Opposition. Malgré tout cela, le chef de l’État Alassane Ouattara confirme sa volonté de se maintenir au pouvoir pour un 4e mandat, et de verrouiller le processus électoral. C’est comme si l’ONU, à travers son émissaire, lui disait : « Vaz-y mon cher, nous, on va continuer à jouer les équilibristes et à distraire l’Opposition ». Pourquoi cela est-il possible ? Le régime RHDP procède des bombardements franco-onusiens. Or, il n’est pas aisé d’abandonner son poulain qu’on a mis en orbite et propulsé.
Le précédent de 2010-2011 : une souveraineté bafouée
En effet, 2010, le Conseil constitutionnel avait proclamé Laurent Gbagbo vainqueur. Pourtant, sous la pression combinée de l’ONUCI (la mission onusienne en Côte d’Ivoire), de la communauté internationale avec la France en tête, et de puissances étrangères, c’est le résultat non consolidé par l’ensemble des commissaires de la CEI (une institution qui venait de recevoir directement du président français Nicolas Sarkozy une consigne), un résultat donnant Alassane Ouattara gagnant, qui a été reconnu. Le Conseil constitutionnel, censé avoir le dernier mot, avait ainsi été « contourné » dans la pratique. Sous pression, il s’était « corrigé », ce qui revenait à court-circuiter la souveraineté nationale au profit de la coalition internationale.
Le recomptage rejeté, la guerre validée

Laurent Gbagbo avait beau proposer un recomptage des voix, solution rationnelle face à une élection où chacun revendiquait la victoire. Hélas! L’ONU, censée garantir la transparence, a rejeté cette voie pacifique sous prétexte que ce serait « injuste ». Elle a au contraire validé le bras de fer, jusqu’au bombardement du palais présidentiel au nom de la « paix » et de la vérité des urnes. Or, c’était pour la même vérité des urnes et la paix immédiate que le recomptage des voix (qui s’est avéré efficace ailleurs) aurait été indiqué. Et l’option de l’ONU a conduit à une paix avec plus de 3 000 morts, des plaies encore ouvertes et une justice à deux vitesses.
Une justice sélective et des plaies ouvertes

Aujourd’hui, quinze ans après, l’ONU semble demeurer dans ses combines. Laurent Gbagbo a passé plus de huit ans en prison avant d’être acquitté par la CPI et dix ans hors de son pays, preuve que les accusations portées contre lui n’ont pas tenu. Le camp Ouattara, lui, n’a jamais été inquiété, alors même que des crimes graves ont été commis dans cette guerre. Qui a tué ? Financement personne ! La justice est restée sélective. L’ONU même doit être poursuivie en justice pour sa participation à cette guerre de 2010-2011 en Côte d’Ivoire et pour avoir poussé le Conseil constitutionnel à revenir sur sa décision pour imposer Alassane Ouattara à la présidence. Mais la voilà qui continue d’invoquer la stabilité et la préservation des « acquis », comme si la mémoire des victimes et l’exigence d’équité n’existaient pas.
La liste verrouillée du Conseil constitutionnel en 2025

Aujourd’hui, le même Conseil constitutionnel a arrêté une liste de candidats à la présidence dont le président Alassane Ouattara pour un 4e mandat anticonstitutionnel et excluant les opposants Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam. Que dit le Représentant Spécial de l’ONU face à cette situation qui pourrit le climat ivoirien ? L’ONU serait-elle fondée aujourd’hui à voir le même Conseil constitutionnel ivoirien auquel elle a fait ravaler sa décision en 2010 comme infaillible et sans appel ?
Quel discours tient M. Leonardo Santos Simao dans ses consultations, notamment auprès du chef de l’État ? Se garde-t-il de prendre position ? Je pense même qu’il a pris le parti du pouvoir Rhdp, encourageant le président Ouattara à appuyer sur l’accélérateur. Sinon le régime ne persisterait pas dans la sourde oreille. Oui, l’ONU qui foulait aux pieds la souveraineté nationale en 2010, pour justifier une alternance, invoque maintenant la stabilité et les acquis pour défendre un statu quo. Une volte-face qui interroge sur la constance et la crédibilité de la diplomatie onusienne en Côte d’Ivoire.
Les justifications possibles de l’ONU
Pourquoi ce double standard ? Le Représentant de l’ONU pourrait se justifier en soutenant qu’en 2010, le pays sortait d’une guerre, les forces rebelles pro-Ouattara étaient militairement en position de force et bénéficiaient d’un soutien international massif. Et qu’aujourd’hui, le pouvoir Ouattara contrôle l’armée, les institutions et les leviers économiques, rendant toute pression plus délicate.
Pour endormir l’Opposition sur les motivations de cette bascule vers une logique de stabilité et de continuité, M. Leonardo Santos Simao pourrait parler de fatigue internationale, expliquant que la communauté internationale est moins disposée à s’engager frontalement dans une nouvelle crise ivoirienne. En ce sens que l’agenda mondial (Sahel, Ukraine, Proche-Orient) détournerait l’attention. Et que l’ONU mise alors sur la stabilité, même au prix d’un déficit démocratique.
Une contradiction qui fragilise la crédibilité onusienne

Le résultat est troublant : l’ONU qui, hier, a poussé officiellement le Conseil constitutionnel à s’auto-contredire, est aujourd’hui, sans lisibilité claire face à ses décisions alors que l’Opposition crie au scandale. Une contradiction qui nourrit le sentiment d’arbitraire et confirme que, plus que le droit, ce sont les rapports de force politiques et géopolitiques qui orientent l’attitude internationale.
Un doute persistant
C’est pourquoi, en secret, pendant qu’elle endort le peuple ivoirien, l’ONU pourrait encourager le président Alassane Ouattara à foncer, à renforcer sa machine de confiscation de pouvoir. J’aimerais avoir tort. Mais j’ai pensé.
Germain Sehoué
































