« M. Kouadio Kra Serge Vincent, vous avez présenté ici pour évaluation, un document pour une Thèse de Doctorat. Pour justement évaluer ce document scientifique, un Jury a été formellement constitué. Ce Jury a joué son rôle en vous écoutant puisque vous avez exposé. Après quoi, chaque membre a échangé avec vous. Et après ces deux étapes, le Jury est resté en place pour délibérer. Et il dit, c’est vrai, le travail est de bonne facture et recèle d’énormes qualités, mais il y a quelques difficultés. Mais convaincu selon témoignages que vous êtes très réceptif, ouvert aux observations, accepte donc ce travail ; vous fait Docteur en Géographie avec MENTION TRES HONORABLE ».
Voilà les mots par lesquels le Président du Jury, Pr N’Douba Boroba François, Professeur titulaire de Psychologie (UFHP) a déclaré Docteur en Géographie, l’impétrant Kouadio Kra Serge Vincent, ce mardi 28 mars 2023, à l’Amphi 5 Espagnol de l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody.
Et cela, en présence des parents et connaissances, dans une salle comble. Les acclamations qui ont salué cette déclaration montrent bien comment le travail n’a pas été aisé et que durant les cinq heures de débats, les visages de la foule étaient tendus, crispés, angoissés. C’est le soulagement ! La maman peut embrasser son fils, le papa peut congratuler son garçon devenu DOCTEUR.
C’est une Thèse de plus de cinq cent pages qu’a présentée Kouadio Kra Serge Vincent sur le thème « Etude géographique de l’insécurité urbaine en Côte d’Ivoire : cas d’Abobo, Cocody et Grand-Bassam ». Géographie humaine et économique, telle est l’option choisie par le nouveau docteur en Géographie qui s’est bien défendu devant un Jury de cinq spécialistes, présidé par Pr N’Douba Boroba François.
En termes d’insécurité urbaine, les communes d’Abobo, Cocody et Grand-Bassam ont été passées au scanner par Kouadio Kra Serge Vincent. Kouadio Kra, un chercheur dont on a appris que, dans le cadre de son étude, se retrouvait dans les cargos ou fourgons de la police pour aller en patrouille et même poursuivre les bandits avec les policiers.
« A Abobo, le taux de criminalité qui était de 11,78 % en 2011, est passé à 13,44 % en 2015 et 15, 12% en 2020. La commune de Cocody a même perdu son statut de cité paisible, car elle est aujourd’hui le théâtre de la délinquance. Les cinq quartiers précaires en son sein, sont des nids de malfrats, de fumerie et sont réputés criminogènes. Dans la cité balnéaire de Grand-Bassam, les infractions qui s’élevait à 1163 en 2003 et 1207 en 2005, sont passées à 2133 en 2020 selon les statistiques policières. Les établissements hôteliers et les places sont devenus des lieux à risque. De ces constats découle le problème de recherches suivant : en dépit des nombreuses actions entreprises par les pouvoirs publics pour assurer la sécurité des personnes et des biens, l’insécurité persiste à Abobo et Grand-Bassam… »
LA SOLUTION DE DR KOUADIO KRA SERGE VINCENT
« On peut dire que l’insécurité se manifeste à Abobo, Cocody et Grand Bassam, et nous proposons comme stratégie de lutte la prévention contre l’insécurité parce que la répression a montré ses limites. Mais nous saluons les actions que les autorités policières ont menées, elles ont mené beaucoup d’actions. Cependant, il reste à faire. Il faut donc une bonne politique de prévention pour lutter contre l’insécurité dans les trois espaces étudiés. »
Les freins au travail de recherche de M. Kouadio Kra Serge Vincent se présentent comme suit :
« Les difficultés que nous avons rencontrées sur le terrain, c’est surtout au niveau de la collecte des données, notamment dans les zones criminogènes : les fumoirs, les espaces grouillants de monde, les gares, les syndicats et autres… pour pénétrer ces endroits, c’était vraiment difficile, mais on a pu avoir quelques informations pour illustrer le travail. »
Après l’exposé liminaire, avec commentaires des diapositives, des images sensibles de la violence, des cartes géographiques, des diagrammes et autres statistiques, la phase des questions-réponses entre, tour à tour, les membres du Jury et le doctorant, est celle qui a pris plus de temps. Les membres du Jury se sont montrés sans concession, soulignant la moindre coquille, la complexité de certaines phrases, l’absence de légende et de source pour certaines images, l’absence d’inventaire des photos et autres schémas et cela, parce que selon les formateurs eux-mêmes, il y a parmi l’assistance, beaucoup d’étudiants venus apprendre.
Sur le fond, selon le Pr Bertin Kadet, Co-Directeur de la Thèse et ancien ministre de la Défense, en parlant de l’insécurité, l’étudiant s’est concentré sur le grand banditisme nécessitant l’action de la police et des forces de l’ordre. Or, les quartiers précaires, le manque d’adduction d’eau et autres questions de pauvreté, relèvent aussi de l’insécurité. De même, pour lui, il est important de savoir qui sont les agresseurs, de quels milieux viennent-ils et quelles sont leurs motivations dans le choix d’Abobo, Cocody et Grand-Bassam pour opérer. Et que, c’est en fonction de toutes ces informations que les gouvernants peuvent apporter efficacement des réponses au phénomène de l’insécurité urbaine. Comme le Pr Bertin Kadet, d’autres membres du Jury ont également ajouté au phénomène, d’autres formes dont la Cybercriminalité.
La forme et le fond du document ont donc été passés au crible. Et au final, on pouvait entendre : « Dans l’ensemble, j’ai eu plaisir à lire ce document, je suis satisfait du résultat… » ; « le travail renferme beaucoup d’informations…» ; « Je suis favorable au travail de l’étudiant… » etc.
Pour la meilleure correction d’un texte, le psychologue, Président du Jury, a indiqué une technique : « faites-vous lire par quelqu’un d’autre ». Il a expliqué que « quand vous lisez votre propre texte, vous le lisez avec le cerveau, mais quand une autre personne vous lit, elle vous lit avec ses yeux ». D’où, elle voit mieux les fautes.
Face aux remarques et critiques des membres du Jury, le doctorant a apporté la lumière ou quand c’est complexe, il a la sagesse de dire : « Cher Maître, nous allons tenir compte de vos observations dans nos corrections ».
Obtenir un Doctorat avec mention « Très honorable », est un rêve pour tout doctorant. C’est fait pour Kouadio Kra Serge Vincent. Maintenant qu’il est Docteur en Géographie, quels sont les ouvertures professionnelles qui s’offrent à son profil ?
Selon lui, avec ce travail de recherche, «On peut être Consultant en Sécurité urbaine, on peut créer des Sociétés de sécurité privée ou bien travailler dans des Organisations internationales, surtout dans le domaine de la sécurité ».
A la fin de la soutenance, le Pr Bertin Gahié Kadet (Professeur titulaire de Géographie à l’Ecole Normale Supérieure d’Abidjan, Co-Directeur de la Thèse de M. Kouadio Kra Serge Vincent) s’est prononcé à notre micro :
«M. Kouadio Kra Serge a présenté un travail de Thèse de Doctorat en Géographie sur l’insécurité urbaine en Côte d’Ivoire et spécialement à Abobo-Gare, Cocody, Grand-Bassam. C’est dans ces trois localités qu’il a étudié la question de l’insécurité urbaine. Je pense, comme la Jury l’a dit, il a fait un travail correct dans ensemble, il a creusé le thème comme il fallait le faire et je pense que les interventions des uns et des autres ont permis de lui attribuer le titre de DOCTEUR en Géographie avec la mention Très honorable ». En tout cas, tout est à son mérite ; je pense qu’il a fait une bonne présentation, claire et de qualité. Je suis particulièrement heureux d’avoir contribué à sa formation, puisque je suis Co-Directeur de cette Thèse avec le Pr Gogbé Téré qui en est le Directeur. »
« Et je pense que tous les deux, nous sommes très heureux d’avoir contribué à former un agent de développement. Il reste maintenant à lui de mettre à profit tous les conseils que le Jury lui a prodigués, d’améliorer ce travail, parce qu’il y a toujours des écueils et le mettre à la disposition des décideurs. Il a fait un travail correct, je le félicite ».
S’il a pu se camoufler parmi les policiers pour traquer des bandits, c’est parce que l’étudiant Kouadio Kra y a des entrées, parmi lesquelles, le Commandant du Détachement CRS1 d’Abobo, Méité Ségbé, très heureux du succès de son ami :
« Le Dr Vincent et moi avons pratiquement soutenu le Master 2 ensemble. Et après le Master 2, moi j’ai plutôt opté pour la Police nationale. J’y suis rentré et sorti comme Commissaire de Police en 2021. Et dans un souci de finaliser sa Thèse, puisque c’était dans le domaine sécuritaire, nous avons ensemble décidé de travailler à cet effet. Pour lui permettre l’accès à certains milieux, comme il avait quelques difficultés à obtenir des données pour défendre sa Thèse, avec tous les devanciers du pouvoir sécuritaire d’Abobo et mes contacts, nous avons fait un effort pour lui faciliter les choses. »
Venu donc soutenir jusqu’au bout son ami Kouadio Kra Serge Vincent, le Commandant Méité Ségbé est satisfait de la fin du parcours universitaire de l’impétrant : « Aujourd’hui, il est Docteur, c’est une satisfaction de voir un membre de sa promotion parvenir à ce but, surtout qu’il est le premier à franchir le cap de Doctorat. Avec tout ce qui se raconte, tout ce qui se dit, je pense que l’abnégation y était. Donc, comme on le dit, il a confirmé ! »
Il a confirmé, il a validé, c’est pourquoi, tous se sont retrouvés, nouveau Docteur, membres du Jury, parents, amis et connaissances, dans un restaurant à l’Université, pour partager un repas copieux. Kouadio Kra Serge Vincent est BON pour le service ! C’est un spécialiste !
Germain Séhoué