L’élection de Luiz Inácio Lula da Silva, à la présidence de la République fédérative du Brésil, dimanche 30 octobre 2022, témoigne de la pratique de la démocratie au Brésil, selon plusieurs observateurs.
L’ancien président Luis Inacio Lula da Silva a remporté le second tour de la présidentielle avec 50,9 % des voix, contre 49,1 % pour le président sortant d’extrême droite, Jair Bolsonaro, au second tour de l’élection présidentielle au Brésil.
Une élection fortement saluée par la communauté internationale
“Le seul gagnant aujourd’hui est le peuple brésilien. C’est une victoire pour le mouvement démocratique qui s’est formé au-dessus des partis politiques, des intérêts personnels et des idéologies, afin que la démocratie sorte victorieuse”, a déclaré Lula da Silva, dans un discours prononcé dimanche après la proclamation des résultats.
Près de 48 heures après l’annonce de la victoire de Lula à la présidentielle, le président sortant, Jair Bolsonaro, a pris la parole, mardi 1er novembre, pour reconnaître, sans le dire clairement, sa défaite à l’élection présidentielle. Il a assuré son intention de « respecter la Constitution ».
Alors que des scènes de liesse inondaient les rues de Sao Paulo et Rio de Janeiro après l’annonce de la victoire de Lula, les réactions internationales ont afflué saluant le retour de Lula et le début de nouvelles relations avec le Brésil.
“ Les électeurs brésiliens ont élu leur nouveau président dans un scrutin pacifique et bien organisé. Félicitations à Lula ! Je suis impatient de travailler de concert et de faire avancer les relations UE-Brésil avec votre gouvernement et le nouveau Parlement “, a indiqué le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell dans un tweet.
“Je félicite le peuple brésilien d’avoir exercé son droit de vote et d’avoir réaffirmé la force de sa démocratie. Nous sommes impatients de poursuivre notre solide partenariat avec le président élu, Lula da Silva, pour construire la moitié du monde où règnent la démocratie, la prospérité et la justice”, a tweeté le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, faisant référence aux continents nord et sud-américains.
Du côté de l’Amérique latine, le président argentin Alberto Fernández évoque “ un nouveau temps pour l’histoire de l’Amérique latine. Un temps d’espoir et d’avenir qui commence aujourd’hui […] Après tant d’injustices que vous avez vécues, le peuple brésilien vous a élu et la démocratie a triomphé“, a-t-il déclaré, en faisant référence à la cabale judiciaire qui avait conduit Lula en prison en 2018.
De la présidence à la prison, Lula icône insubmersible de la gauche latino-américaine signe de nouveau son retour à la présidence
Luiz Inácio Lula da Silva, dit Lula, est né le 27 octobre 1945, dans une famille d’agriculteurs du Pernambouc, un État du Nordeste, la région la plus pauvre du Brésil. Il fut président de la république fédérative du Brésil du 1er janvier 2003 au 1er janvier 2011. Il devrait l’être à nouveau à partir du 1er janvier 2023.
Sept ans après sa naissance, la famille déménage dans l’État de São Paulo, où il travaille à 12 ans dans une blanchisserie. Il travaille ensuite comme cireur de chaussures dès l’âge de dix ans pour aider à subvenir aux besoins de la famille. À 14 ans, l’adolescent occupe le poste de tourneur dans une usine automobile de São Bernardo do Campo, puis celui d’ouvrier métallurgiste.
Ouvrier métallurgiste de profession, il co-fonde en 1980 à la fondation du Parti des travailleurs (PT), mouvement d’inspiration socialiste, dans un contexte de grèves et d’opposition à la dictature militaire. Au cours de la décennie, le PT devient une formation de premier plan de la vie politique brésilienne.
Après une candidature infructueuse pour devenir gouverneur de Sao Paulo en 1982, il est élu député en 1986. Trois ans plus tard, il est candidat à l’élection présidentielle, échouant au second tour. Deux autres défaites suivront aux élections de 1994 et 1998. Lula est élu président du Brésil en 2002, puis réélu en 2008. Pour ces deux scrutins, il réunit respectivement 61,3 % et 60,8 % des suffrages exprimés au second tour. Après huit ans au pouvoir, il prend sa retraite en 2010.
Luna fait ensuite face à une période noire dans sa vie.
Le 12 juillet 2017, l’ex-président est condamné à neuf ans et six mois de prison (peine portée à douze ans et un mois en appel en janvier 2018). Il est reconnu coupable de corruption passive et de blanchiment, dans le cadre de l’enquête « Lava jato », menée par la police fédérale du Brésil.
Libéré en novembre 2019, après avoir passé plus d’un an et demi en détention, le leader du PT bénéficie en mars 2021 d’une annulation de ses condamnations par la Cour suprême. Ses droits politiques sont restaurés et sa candidature à l’élection de 2022 est possible. Toutefois, son image a été écornée auprès d’une partie de la population. Mais il finit par conquérir les cœurs et revient à la présidence.
Le parcours du président-élu est aussi marqué par des épreuves amoureuses. Alors qu’il n’est âgé que de 25 ans, il perd sa première épouse, Lourdes, victime d’une hépatite. Puis, en février 2017, Lula perd sa seconde épouse de 30 ans, Marisa Leticia Rocco, avec laquelle il a eu quatre enfants. Le 18 mai 2022, Lula épouse Rosangela da Silva dite “Janja”, une sociologue militante du PT, de 21 ans sa cadette, en troisièmes noces, à Sao Paulo, au Brésil.
La prison n’a pas été une fatalité pour Lula, mais un retranchement pour se préparer à la conquête du pouvoir, sans un bruit de coup d’Etat. Il est ferme à ses convictions socialistes et signe de nouveau son retour à la présidence.
Son investiture en tant que 39e président de la république fédérative du Brésil devrait avoir lieu le 1er janvier 2023.
Lula, comme Mandela en Afrique du Sud
La prison contribue-t-elle au prestige des opposants pour les propulser au pouvoir ! Une chose est certaine, passer par la case prison et devenir président, plusieurs personnalités africaines l’ont connu, à l’exemple de Nelson Mandela.
L’ancien président de l’Afrique du Sud, Nelson Mandela, a débuté son militantisme politique sous l’apartheid comme l’un des six représentants des étudiants de Fort Hare au sein du Congrès national africain (ANC).
En 1944, il rejoint officiellement les rangs de l’ANC. L’avocat fait d’abord de la résistance pacifique et défend des militants anti-apartheid tout comme son ami Oliver Tambo. Mais, accusé de trahison, il est arrêté le 5 décembre 1956 avec une cinquantaine d’autres personnes. Le procès qui commence en 1957 se termine en 1961. Mandela est acquitté avec les autres, en raison d’une grande mobilisation internationale et des vices de procédure.
La même année, il se convainc de l’inefficacité de la non-violence et fonde la branche armée de l’ANC, Umkhonto we Sizwe, qu’il dirige lui-même.
Sur indication de la Central Intelligence Agency (CIA), Nelson Mandela est à nouveau arrêté le 12 juillet 1963. L’année suivante, il est condamné à la prison à vie. Prisonnier sur cette île pendant 27 ans, Nelson Mandela n’en sort que pour accéder à la magistrature suprême de son pays, avec l’organisation de la présidentielle de 1994 qu’il remporte devenant ainsi le premier président noir de l’histoire de l’Afrique du Sud.
Outre Nelson Mandela, le président zimbabwéen, Robert Mugabe, l’ex-président du Niger, Mahamadou Issoufou et l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, l’ancien président du Sénégal, Abdoulaye Wade.
Le retour de Lula à la présidence du Brésil est une preuve que la démocratie en marche dans ce pays. “Le Brésil a besoin de paix et d’unité”, a-t-il déclaré, au soir de la proclamation des résultats.
Vive la démocratie en Amérique-Latine. Vive la démocratie en Afrique !
(AIP)