𝗠𝗮𝗺𝗮, 𝗹𝗲 𝘀𝗮𝗺𝗲𝗱𝗶 𝟬𝟯 𝘀𝗲𝗽𝘁𝗲𝗺𝗯𝗿𝗲 𝟮𝟬𝟮𝟮
Chers frères, chers amis, je vous remercie pour avoir organisé cette manifestation pour me souhaiter un bon retour à la maison et une bonne sortie de prison. Je remercie tous les Chefs des Départements d’Oumé et de Gagnoa. Je vous remercie pour votre présence, votre accueil. Je vous remercie. Ayahoo, Ayahooo.
Je ne connais pas bien le sens du mot Titêh, mais quand j’étais petit, ici même, j’ai vu deux Titêh. Un Titêh où les gens de Kpapekou sont venu danser ici à Mama. Nous étions tout petit et on regardait les gens faire la sorcellerie. Je disais mais lui là, pourquoi fait-il ça ? Et on me répondait qu’il le faisait pour arrêter tous ceux qui arrivaient parce qu’eux aussi étaient sorciers.
Donc c’était sorcier contre sorcier. La deuxième fois, c’est quand mon père a envoyé les gens de Mama à Kpapekou pour saluer sa famille maternelle. Sinon je ne connais pas le sens exact de Titêh mais ce que je retiens, c’est qu’on s’amuse, on danse pour quelque chose Et c’est à ce moment là que, selon la recherche que j’ai faite plus tard, les bhétés sortaient le Bagnon.
C’est à dire un homme beau physiquement mais aussi saint moralement. Parce que si tu es beau et que tu es un mauvais garçon, voleur, menteur, méchant, on ne te choisit pas comme bagnon. Donc pour être bagnon, il faut réunir les qualités physiques et morales. Et le bagnon sort généralement hors de son village puisque le village va ailleurs. Si je dis par exemple que les Gbadia vont saluer Hubert Oulaye dans son village, entre Guiglo et Taï, on sort le bagnon et il fait impression. A cette occasion, certaines femmes peuvent tomber amoureuses de lui et viennent avec lui. C’est une occasion aussi pour se marier. Moi je connais un ami qui s’est marié comme ça mais le mariage n’a pas duré longtemps ( rires ).
C’est un moyen de contact, entre les Peuples, entre les villages et un moyen d’échanges, dans tous les sens du mot. Le Titêh est tellement lourd qu’on ne le fait pas n’importe quand et comment. Il faut au minimum deux jours, le jour d’arrivée et le jour de départ. Pour qu’on organise le Titêh c’est qu’il y a une vraie raison qui touche aux gens, qui les pousse à accepter de laisser leurs travaux champêtres. C’est pourquoi je mesure profondement l’organisation de ce Titêh qui m’est destiné. Je réalise que les gens ont une bonne idée de moi et je vous remercie pour ça.
Aujourd’hui, Je ne vais pas faire un discours politique parce qu’on est là pour s’amuser entre frères. Mais, si le toucan est assis sur l’arbre et dit je ne mange aucun fruit de cet arbre, qui peut le croire ? Quand le toucan est quelque part, il mange un peu. Donc, étant un toucan assis sur des branches d’arbres, je vais manger un peu ce qui est là, sinon ce n’est pas pour faire la politique aujourd’hui (rires).
Nous sommes à la rentrée scolaire. Quand je suis arrivé ici à Mama, j’ai vu deux fois des images à la télévision, je ne sais plus quelle chaîne, où on nous montrait notre grand amphithéâtre de l’Université de Cocody, l’amphithéâtre Léon Robert. J’étais étonné de voir que c’est là-bas que beaucoup d’étudiants dorment. Il y a leurs habits qui traînent, des étudiants ivoiriens qui y dorment. Est-ce que ça vous dit quelque chose ça ? Des étudiants ivoiriens ? Un pays qui est dit-on en émergence et où les étudiants ont leur habits dans un amphithéâtre parce qu’ils ne savent pas où aller.
Alors je me suis renseigné. On dit que la nuit, ils cherchent un seau pour prendre de l’eau, aller derrière les salles de classe et se laver. En Côte d’Ivoire ? À Abidjan ? Ça m’a touché parce que cette université est la nôtre. Elle est la nôtre en tant qu’étudiant et elle est la nôtre en tant que chercheur. Il n’y a plus de chambres en Cité. Il n’y a plus de Cités. Ce n’est pas normal. Je me contente de dire ça. C’est choquant pour quelqu’un qui a fait son Université à Abidjan, avant d’aller outre-mer, c’est choquant. Pour quelqu’un qui a connu cette Université, c’est choquant. Quand on a commencé à construire l’Université de Cocody, c’était en pleine forêt, quand le Ministre Léon Robert est allé placé la première pierre. Les gens disaient mais pourquoi ils vont loin comme ça ? Bref… L’Université est un patrimoine commun, intellectuel, et nous avons le devoir de le conserver. Ce n’est pas bien de le laisser se dégrader au point où les étudiants sont obligés de dormir dans un amphithéâtre. Ce n’est pas bien et il faut le dire. Peut être qu’on ne dit pas aux autorités mais nous avons ce devoir de leur dire.
Je voulais aussi dire un mot sur la cherté de la vie. Nous autres, nous avons fini notre temps, nous sommes à la retraite depuis longtemps. Hubert oulaye était Ministre de la fonction publique quand on m’a envoyé mes papiers pour que j’aille à la retraite. C’est le Ministre Hubert Oulaye même qui m’a donné, en mains propres. Mais, en ce temps, on mangeait à notre faim. J’ai commencé mon métier de professeur, vous savez combien je touchais ? 70.000 FCFA en 1970. Et la maman de Michel touchait 70.000 FCFA aussi. Nous étions des fonctionnaires et nous avions de l’argent. Je vois maintenant des personnes qui étaient dans ma classe, qui sont devenus des banquiers, des enseignants, mais le coût de la vie était tel qu’on s’en sortait. Le Gouvernement lui même faisait des efforts pour qu’on s’en sortait. Le Gouvernement nous logeait, nous les enseignants. C’est une loi que si l’inflation monte, le Gouvernement devra faire des efforts sur les taxes et impôts. Il diminue sa part pour que les citoyens aient une part conséquente.
C’est comme ce que nous on nous logeait. On payait tout, sauf les loyers. Même les logements, nous étions meublés, et on avait même le réfrigérateur. C’était ça. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que, du point de vue de l’économie, si les citoyens souffrent parce que l’inflation monte, le Gouvernement devra faire un effort sur ce qu’il prend de la poche des citoyens pour que ceux-ci puissent respirer. Je ne sais pas ce que l’Etat fait en ce moment. Des mesures ont été annoncées, le 06 août 2022, touchant les fonctionnaires, certainement bien, mais il faut faire plus parce qu’il n’y a pas un seul citoyen avec qui je cause qui ne me parle pas de la cherté de la vie. Ce n’est ni l’ASEC, ni l’AFRICA, c’est la cherté de la vie. Même si on a fait quelque chose, il faut faire encore plus que ce qu’on fait. Ceux qui sont aux manettes doivent étudier. Nous, quand nous étions aux manettes, pendant deux ans, j’avais refusé d’augmenter le prix de l’essence à la pompe pour que les ivoiriens puissent rouler et circuler. Au bout de 2 ans, on a augmenté mais ça nous a laissé le temps d’étudier d’autres voies et moyens. Cette demarche a permis aux conducteurs de gagner quelque chose. Et ils ont gagné. Quand ils sont venus me voir, il n’ont pas cassé la baraque, ils m’ont remercié d’abord avant de poser le problème. Il faut parler avec les consommateurs. On croit qu’ils sont idiots, mais non, ils savent ce qu’il leur faut pour améliorer leur condition de vie. La cherté de la vie est trop grande aujourdhui et ça existe dans tous les pays. Mais nous, il faut qu’on étudie ce qu’on doit faire pour que ce soit supportable chez nous. Nous sommes prêts à aider à la réflexion sur ce sujet, parce que c’est un sujet, non seulement d’actualité mais brûlant. Et si on n’y prend garde, c’est un sujet explosif.
Ayant parlé de la cherté de la vie, je dois aussi parler d’un sujet dont je parle souvent : la libération des militaires emprisonnés. Oui le 06 août, j’ai passé un coup de téléphone au Président de la République pour le remercier d’avoir libéré l’Amiral Vagba faussignaux et Abehi Jean Noël. Je lui ai dit Merci mais que ce n’est pas ce que j’avais demandé. J’avais demandé la libération de 14 militaires et je pense que sur les 14, il y en avait beaucoup pour lesquels la libération aurait été plus facile parce qu’ils ne sont pas connus. Mais il a libéré ces deux, c’est toujours bon à prendre. Mais le combat continue parce qu’il faut quon libère tout le monde.
Un militaire, et pourquoi je m’investis tant dans cette affaire, est fait pour obéir aux ordres que donne son Chef. Et le Chef suprême des armées est le Chef de l’Etat. Donc pour moi, j’ai donné des ordres auxquels ses militaires ont obéi. On m’a arrêté, donc on les a arrêtés. Bon il y a une logique. Mais on me libère en disant que je suis innocent et en précisant que je n’ai pas donné d’ordre contraire à la morale, ni à la loi. C’est écrit. A partir de ce moment, si on me libère, pourquoi le militaire qui n’a fait qu’obéir est encore en prison ? Puisqu’il n’a pas obéi à un ordre mauvais, et que celui qui a donné cet ordre a été libéré. Donc il faut libérer l’exécutant. Voilà pourquoi je me bats toujours et toujours pour que les militaires soient libérés. Je continuerai à me battre. Mais en plus, et en logique avec ça, 49 de nos militaires viennent d’être arrêtés au Mali. D’autres ne voient pas claires et ne savent pas lire. Dès qu’ils ont été arrêtés, notre Parti, le PPA-CI, a pondu un communiqué qui demandait, entre autres, que l’Assemblée Nationale fasse une enquête sur ce sujet pour qu’on sache la vérité.
L’Assemblée Nationale n’a jamais fait l’enquête or pour que le peuple puisse se prononcer sur une affaire, il faut qu’il sache les tenants et aboutissants de cette affaire. Il faut qu’ils sachent d’abord si ce sont des militaires, des militaires ivoiriens et qu’on sache ce qu’ils faisaient au Mali. Etant entendu qu’un militaire obéit à des ordres, s’ils s’y sont rendus, obéissant à un ordre, il faut que cette enquête nous révèle quel est cet ordre et pourquoi on les à arrêtés ? Des gens nous disent que ce n’est pas la première fois et que c’est la huitième fois, mais pourquoi c’est la première fois qu’on les arrête ? Donc notre rôle est de rechercher à débusquer toujours la vérité. Une fois qu’on sait la vérité on peut prendre des décisions, on peut mener la réflexion. Sur ce point , je demande que les autorités maliennes tiennent compte plus de celui qui les a envoyés que de ceux qui ont été envoyés parce que ce sont des militaires. Moi j’ai été Chef d’Etat pendant 10 ans et je sais comment l’armée et les militaires fonctionnent. Je demande qu’on nous permette, aussi à nous qui sommes dans l’opposition, de mener des démarches. Je suis sûr que le Gouvernement fait tous ses efforts pour discuter en public, en cachette, pour obtenir la libération des 49 militaires. Mais s’il ne réussit pas, je souhaite qu’on nous autorise, nous aussi, à discuter, de ces raisons, avec les réseaux que nous avons au Mali, dont certains sont aux affaires, pour qu’on puisse chercher à ramener nos compatriotes au pays.
Je voulais aussi dire un mot sur une dame que je ne connais pas, que je n’ai jamais vu, mais que j’ai vu à la télé, dans les journaux, qui s’appelle Pulcherie Gbalet. Elle a été arrêtée. Moi je dis toujours que la prison n’est pas une solution aux problèmes politiques. J’ai fait 10 ans à la Présidence de la République, je n’ai jamais arrêté quelqu’un qui fait la politique, parce que je ne vois pas la prison comme solution aux problèmes politiques. Je vois que certains recourent facilement à l’emprisonnement. Ce n’est pas ma méthode de travail. Ce n’est pas comme ça que je vois les choses. Cette dame, je ne la connais pas. Il paraît qu’elle s’occupe des problèmes de consommateurs. On l’accuse d’avoir rencontré Soro Guillaume et d’avoir ourdi avec lui des complots. Moi je connais des tas de gens qui ont rencontré Soro Guillaume et qui sont à Abidjan. Soro même, j’ai travaillé avec lui. Donc si on dit qu’elle a ourdi des complots, bon là, il faut le dire très clairement, le démontrer, que la justice soit persuasive, parce que le temps de mettre quelqu’un en prison en disant qu’il fait un complot, on est fatigué de ça. Moi j’avais 19 ans quand ils sont venus arrêter papa à la maison. Il leur a dit : moi je ne suis pas milice.
Donc si je tue Houphouët, je vais avoir quel poste ? Mais on l’a quand même mis en prison et il y a fait deux ans. Donc Soro Guillaume est quelqu’un qu’on doit pouvoir rencontrer. Sinon les gens le rencontrent, ça fait quoi ? Moi c’est vrai que je ne l’ai pas rencontré depuis qu’il est en cavale, mais ça ne m’ajoute rien et ça ne m’enlève rien. Mais si quelqu’un le rencontre, ça fait quoi ? Ceux qui sont à l’extérieur et qui ont peur de rentrer, il faut que l’Etat ait des attitudes, telles qu’ils aient envie de rentrer. D’autres sont au Liberia, au Ghana, au Togo, au Bénin, si ceux là, ont veut les attirer, il faut bien avoir une politique qui les attire au pays. Donc je pense que si Pulcherie Gbalet a effectivement comploté , on est pas obligé de la mettre sous mandat de dépôt. On peut ouvrir un dossier et puis suivre l’enquête.
Il se peut qu’au bout d’un certain moment, on se rende compte que le dossier est vide. Parce qu’on a eu beaucoup de dossiers vides , dont le mien. Mais si au bout d’un temps, on trouve que le dossier est plein et que les preuves sont irréfutables, alors là on peut la mettre sous mandat de dépôt. Mais je prie les autorités de ne pas avoir comme réflexe premier la délivrance d’un mandat de dépôt. Ça ne rend pas service à la Côte d’Ivoire, à la liberté, à la démocratie et ça nous désole, nous qui nous sommes battus pour la démocratie. La délivrance d’un mandat de dépôt ne doit pas être le seul réflexe de nos magistrats.
Chers amis, comme nous ne sommes pas à une réunion politique, voilà quelques problèmes que je voulais soulever pour qu’on soit honnête avec nous même et qu’on parte avec les même points de vue sur les sujets qui nous chatouillent un peu. Mais j’insiste beaucoup sur les problèmes de l’Université. Si nous voulons construire avec la jeunesse, il faut donner des cadres d’étude sain à nos jeunes : des écoles primaires, des collèges, des lycées, des universités.
Il y a quelques universités privées qui pullulent Abidjan. Je vais faire une étude sur la qualité des Universités qui pullulent sur Abidjan. Pour nous qui habitons Cocody, chaque cour est presque devenue une Université. Vous sortez de vos maisons, vous rencontrez des tas de jeunes en chemises blanches, jaunes, bleu. Vous allez encore plus loin vous rencontrez un autre groupe. On ne peut pas avoir une telle prolifération d’Universités privées. La qualité suppose une certaine rareté. Donc pour qu’on ait des Universités de qualité, il faut une rareté des Universités . Donc j’insiste beaucoup car ça m’a choqué, et ça me choque encore que l’amphithéâtre soit devenu un dortoir qui ne dit pas son nom.
Chers amis, voilà les quelques mots que je voulais dire à votre endroit. Je vous remercie d’être venus, mes parents vous remercient, les Chefs de villages, de terre, tous les habitants de Mama vous remercient. Je vous souhaite bon retour. Ayokaaa.
𝗦𝗘𝗥𝗩𝗜𝗖𝗘 𝗖𝗢𝗠𝗠𝗨𝗡𝗜𝗖𝗔𝗧𝗜𝗢𝗡 𝗣𝗣𝗔-𝗖𝗜