L’opposition ivoirienne, dans un élan de « trop, c’est trop « , veut se lancer dans des manifestations démocratiques (meetings géants) afin d’obtenir des changements au profit de la nation.

Mais comment tabler sur l’engagement d’un ivoirien qui se « contente de peu » pour oublier son sort ? Le contentement de peu, c’est cette disposition à se réjouir de choses minimes sans remise en question du fond. Ce n’est pas un manque d’effort, ni un refus d’agir : c’est une posture qu’on encourage dans un but précis. Pendant que le pouvoir concentre les richesses, distribue les postes à ses proches, même sans compétences ni mérite, l’Ivoirien moyen est plongé dans une distraction savamment orchestrée.

Concerts géants, matchs internationaux à grand spectacle, émissions légères, une bière fraîche en galante compagnie, le buzz sur les réseaux sociaux, un petit compte mobile avec 50 000 FCFA ou 100 000 FCFA, et il est heureux ! Il suffit ça pour occuper l’esprit, détourner l’attention, endormir les préoccupations. Voilà l’ivoirien, lui-même se contente de peu.

Pendant ce temps, des individus moins diplômés, parfois plus jeunes, accèdent à des fonctions stratégiques et accumulent les fortunes. Non pas par excellence, mais par proximité politique ou complaisance. Nous savons désormais tous la liste des détournements de milliards de FCFA sans suite en Côte d’Ivoire.

Ce peuple pourtant intelligent, éduqué, résilient, semble détourner le regard au moment où la vigilance devrait être collective. Il ne s’agit pas toujours de paresse. Il s’agit de manipulation réussie. L’enjeu n’est pas ce qu’il fait, mais ce qu’on l’empêche de voir.

Le problème n’est donc pas son amour pour la bière ou le football, mais l’usage qu’on fait de ces loisirs pour l’endormir. Quand les appels à la mobilisation structurée sont lancés, ils tombent souvent dans le vide. Pas par manque de conscience, mais parce que l’attention est déjà captée ailleurs.

Sortir de ce piège demande une lucidité nouvelle. Refuser le rôle de spectateur amusé pendant qu’on brade son avenir. Parce que « trop, c’est trop! » L’Ivoirien mérite mieux. Mais il doit aussi le réclamer en écoutant les appels à la mobilisation pour sa cause.
Germain Séhoué