Peuples traditionnellement établis dans le grand Ouest de la Côte d’Ivoire, les Guéré et Wobé, plus connus sous le vocable de Wê, migrent parfois dans d’autres contrées du pays. A Séguéla, des membres de cette communauté se distinguent par leur profond enracinement dans la société socioculturelle de la capitale de la région du Worodougou au point de disposer d’un village qui leur est entièrement dédié, ‘’Wobêsso’’. L’AIP va à la découverte des Wê de Séguéla établis à Wobêsso.
Une présence qui remonte à l’époque coloniale
Selon le chef central de la communauté Wê, Oulaï Jean, le premier à s’installer à Séguéla fut son arrière-grand-père Oulaï Smin. Parti en 1926 de son Kouibly natal, il s’était rendu à Bouaké pour reverser l’impôt collecté sur place à l’administration coloniale.
Sur le chemin du retour, il tombe sur une guerre entre les Worodougouka et leurs voisins Gouro. Prenant fait et cause pour les premiers cités, il participe à la bataille jusqu’à la victoire finale.
Pour le récompenser, les Worodougouka lui cèdent une portion de terre, l’actuel site sur lequel est bâtie l’usine de la Compagnie ivoirienne de développement du textile (CIDT), où il bâtit son village.
C’est le début de vagues migratoires successives des Wê attirés par la fertilité des sols et l’abondance du gibier. Les navettes entre Séguéla et Kouibli entrainent des déplacements de dizaines d’autres personnes vers Séguéla où les conditions de vie semblent meilleures. A son décès, son fils Oulaï Gilbert lui succède. La communauté qui s’est agrandie décide, à la mort de ce dernier en 1963, de délocaliser le village sur un autre site. Ainsi est créé ‘’Wobêsso’’, un village aujourd’hui de près d’un millier d’âmes situé à 11 kilomètres de Séguéla, après le village de Siakasso.
Le chef actuel est Gohi Presner, reconnu tant par l’Administration que par les autorités traditionnelles locales.
Une communauté bien intégrée qui n’a cependant pas oublié sa tradition
« C’est vrai qu’on est resté ici à Séguéla, mais on n’a pas oublié nos traditions. On fait les cérémonies, les mariages comme au village. Mais on associe toujours nos tuteurs parce que ce sont eux qui nous ont accueillis », explique Oulaï Jean qui a été élu par consensus en 2017.
« Ici, c’est chez nous. Nos parents vont des fois à Kouibly mais nous, les jeunes, c’est ici seulement qu’on connait. On se sent bien ici. Nous sommes les Wê de Séguéla », fait savoir, avec un sourire aux lèvres, Doho Stéphane, un habitant de ‘’Wobêsso’’ rencontré dans le village.
Pour nombre d’entre eux, retourner dans les villages Wobé ou Guéré n’est aucunement à l’ordre du jour.
« Quand d’autres vont là-bas, ils sont comme des étrangers dans leurs propres villages. On est mieux ici et on se sent bien ici », déclare dame Gnandé Elisabeth qui dit que ses enfants vivent en parfaite harmonie avec ceux de leurs tuteurs Worodougouka.
Les jeunes de Wobêsso et ceux des villages environnants se fréquentent assidument, sans distinction.
Pour le chef du village de Gbôlô, Somadé Diomandé, l’intégration des Wê ne souffre d’aucune contestation.
« Quand on se réfère à nos aïeux, ils sont ici depuis près de 100 ans. Ce sont nos frères et nos sœurs. Quand on a des cérémonies, on les appelle. Eux aussi, quand ils font leurs cérémonies, ils nous invitent et on va les soutenir », révèle-t-il.
La cohésion sociale, un enjeu majeur pour tous
« On vient de loin et on doit toujours faire attention pour ne pas que les petits problèmes qui existent naturellement entre les hommes nous divisent. C’est pourquoi, la cohésion sociale est très importante pour nous. On respecte nos tuteurs qui nous respectent eux aussi », affirme le chef Gohi Presner qui veille à la bonne cohabitation entre les différentes entités.
De plus en plus de mariages mixtes entre Worodougouka et Wê contribuent aussi à solidifier les relations.
« Pour nous, ce sont des frères et des sœurs, tout court », fait savoir Somadé Diomandé qui œuvre lui aussi inlassablement à la préservation de la cohésion sociale entre ces peuples qui sont majoritairement des agriculteurs disposant de grands champs d’anacarde et de cacao.
Pour preuve de cette cohésion sociale toujours préservée, la résolution au plus vite des problèmes qui surviennent entre Wê et Worodougouka. Dans la vie courante, les différentes entités entretiennent des relations assez cordiales qui vont au-delà de ‘’Wobêsso’’ pour s’étendre à la ville de Séguéla où près d’un millier de Wê sont également établis.
(AIP)
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