Après le conflit qui a opposé le jeudi 26 octobre 2023 les autochtones Bheté et les allogènes Baoulé dans le département de Gagnoa, à Dougroupalégnoa, dans le canton Paccolo, la communauté Baoulé qui a dû se déplacer pour laisser apaiser les tensions, a hâte de retourner sur son site. Et selon nos informations, M. Lassina Fofana, le préfet de la région du Goh, préfet du département de Gagnoa, multiplie ses efforts en ce moment pour que la volonté des déplacés de rentrer chez eux se réalise.
C’est dans cette perspective qu’il a rencontré le mercredi 8 novembre 2023, en présence d’une autorité de la Chambre des rois et chefs traditionnelle de Côte d’Ivoire, l’honorable Noël Gnagno Sakalou, le chef du canton Paccolo.
Mais selon une source qui a requis l’anonymat, l’autorité préfectorale aurait « imposé le retour des allogènes Baoulé à Mahibouo où un des leurs a assassiné, le vendredi 27 octobre 2023, un jeune dudit village. Collatéralement aux violents affrontements entre des jeunes d’un village voisin qui s’étaient soldés, la veille, par la mort d’un jeune Baoulé. Nonobstant les coutumes du terroir que le chef du canton Paccolo a bien voulu lui faire comprendre, le préfet Lassina Fofana est resté intransigeant. » Vrai ou faux ?
Faute d’avoir pu joindre le préfet Lassina Fofana, l’honorable Noël Gnagno Sakalou, le chef du canton Paccolo à qui le Préfet a parlé, ne reconnait pas cette version et nous répond par un écrit numérique que voici : «Attention, il ne veut pas imposer, il a souhaité que les Baoulé retournent sur leur site. Juste une question humanitaire ».
La communauté de Dougroupalégnoa veut le respect de ses coutumes avant que les déplacés allogènes ne retournent chez eux ? Mais de quelles coutumes parle-t-on, lorsque des gens, des femmes, des enfants, arrachés à leurs foyers et vivant dans la précarité, veulent retourner chez eux ?
En parlant de respect des coutumes, un cadre de la région concernée explique qu’en pareille circonstance, « on ne peut pas seulement faire ce que l’administrateur seul demande. Il faut aussi accepter la coutume en tenant compte de ce que les populations ont vécu. Dans le cas d’un meurtre par exemple, il faut purifier la terre souillée par le sang humain, il faut donc éloigner le meurtrier ou la famille du meurtrier du village pour donner le temps au temps de cicatriser les plaies ouvertes par la douleur de la perte d’un parent, etc. Cela évite à la famille meurtrie de se venger de l’assassin d’un des leurs. »
En vérité, dans le règlement d’un tel conflit, la seule orientation de l’Administration suffit-elle pour clore le débat ? La coutume n’a effectivement pas son mot à dire ? Si, car selon l’Article 5 la Déclaration des Nations Unies sur le Droit des peuples autochtones, notamment la Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 13 septembre 2007, « Les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles distinctes, tout en conservant le droit, si tel est leur choix, de participer pleinement à la vie politique, économique, sociale et culturelle de l’État».
C’est certainement sous cet angle que l’honorable Noël Gnagno Sakalou, montre son enthousiasme à aider au retour de la paix dans son giron, le canton Paccolo. Il fait le point de la situation sur le terrain : « Les funérailles à Mahibouo sont prévus pour les 15 et 16 novembre. Les purifications le dimanche 19 novembre à Mahibouo. A Dougroupalegnoa, le corps a été enterré le vendredi dernier à Gagnoa, une fausse note que nous avons tout de même acceptée. Bon, que voulez-vous ? Nous allons corriger tout cela très prochainement, après des concertations inclusives allogènes-autochtones. Nous gardons espoir que les choses vont changer pour une cohabitation plus harmonieuse. J’ai foi. Je suis déterminé à faire changer les choses ». Une foi à partager.
On peut donc affirmer que ce dossier avance. Et que l’Administration et les deux communautés appelées à cohabiter, parviendront à un accord vraiment pacifique, sans contrainte. Car une étincelle est vite allumée et le risque de nouveaux affrontements, permanent.
Germain Séhoué