Youssouf Bakayoko est décédé, hélas ! L’ex-président de la Commission électorale (CEI), qui a conduit les Ivoiriens aux élections d’octobre 2010, est mort, à Paris, apprend-on. Le ministre Youssouf Bakayoko, qui avait remplacé à la tête de la CEI, M. Beugré Mambé, alors accusé de comploter pour des fraudes électorales, a tiré sa référence en France.
Nous parlons du prédécesseur du président Ibrahim Coulibaly Kuibiert à la tête de CEI, le seul président d’une institution électorale au monde qui a reçu du président de la République d’autre pays, (Nicolas Sarkozy, président français) une lettre-injonction de publier les résultats de la présidentielle. Comme si la Côte d’Ivoire était un département français ! Youssouf Bakayoko qui a eu cette phrase célèbre, entrée dans les annales sociales : « Il n’est pas encore minuit », lorsqu’il s’agissait de l’annonce attendue de ces résultats, est décédé, à Paris.
C’est Youssouf Bakayoko, président de la CEI d’alors, qui avait étonné les consciences en annonçant le candidat Alassane Ouattara vainqueur de la présidentielle au QG du même candidat Alassane Ouattara, furtivement, devant des caméras de la télévision française France 24 (donc du même Nicolas Sarkozy). C’est M. Youssouf Bakayoko qui a annoncé un chiffre jamais détaillé : ce résultat est la somme de quelles données électorales ? Mystère ! Un résultat incendiaire qui a conduit la Côte d’Ivoire à la crise que l’on connait.
Les conséquences ? Le nombre de morts ? Les différents dégâts ? Qui peut les estimer réellement ? Personne. Chacun pourra faire sa comptabilité et les pertes subies. Mais les 3000 morts officiels, c’est ridicule par rapport à la réalité, quand on sait les massages enregistrés dans la seule zone du Guémon. Or, partout ailleurs dans le pays, la Côte d’Ivoire a pleuré, pleuré ! Des déplacés internes, des expropriations, des occupations de terres d’innocentes familles, des exilés, et que de morts en exil !
Le président Laurent Gbagbo, l’autre candidat, dont les adversaires accusaient d’être le responsable de tout ce chaos, a fait dix ans de prison d’où il est sorti blanchi, acquitté, sans qu’il n’y ait finalement de responsable, de coupable de ces dégâts. De quoi est mort l’ancien président de la CEI ? De maladie ? De suicide ? D’accident ? On n’en sait rien pour l’instant. Mais au regard de tout ce qui précède, Youssouf Bakayoko ne devrait pas mourir sans avoir expliqué cette crise. Aurait-il écrit un livre non falsifiable ? Aurait-il enregistré des vidéos, des audios pour fermer la bouche à ceux l’accuseraient d’avoir une responsabilité pointue dans le drame post-électoral de la Côte d’Ivoire en 2010-2011? A qui le pays va-t-il faire maintenant la comptabilité de cet épisode de sa marche ? Avec des gens dont les mains sont en plein dans cambouis, mais qui ne sont jamais responsables de rien ? Non ! Pour aider à la compréhension de l’histoire de la Côte d’Ivoire moderne, M. Youssouf Bakayoko ne devrait pas mourir sans nous laisser son précieux témoignage. Hélas ! Mille fois hélas !
Car sa disparition rappelle que l’histoire de la Côte d’Ivoire est complexe et parsemée de mystères non résolus. Les conséquences de son action à la tête de la CEI continuent de se faire sentir, et son témoignage aurait pu contribuer à une meilleure compréhension de cette période tumultueuse. Paix à son âme.
Germain Séhoué