La Côte d’Ivoire traverse une période instable, exacerbée par ce que certains appellent une « application intelligente » de la loi. Cette approche, justifiée par des personnalités influentes, remet en question l’intégrité du cadre légal et alimente des tensions politiques.
Lors d’une interview avec le journaliste André Sylver Konan, le président de la Commission électorale indépendante (CEI), Coulibaly Ibrahim Kuibiert, a justifié la révision de la liste électorale sur deux ans au lieu d’annuellement, comme prescrit par la loi, par une interprétation « intelligente » de cette dernière. Cette déclaration soulève des questions essentielles : la loi autorise-t-elle une telle flexibilité ? Est-elle suffisamment claire, ou son interprétation permet-elle des ajustements personnels ?
Ce flou juridique a des conséquences graves. En agissant selon sa propre interprétation, le président de la CEI, et par extension d’autres figures d’autorité, ouvrent la voie à des manipulations politiques. Si l’application de la loi devient subjective, cela engendre un manque de confiance dans les institutions et peut même mener à des crises sociopolitiques.
Un exemple marquant de cette dérive est la réélection du président Alassane Ouattara pour un troisième mandat en 2020, malgré l’affirmation préalable de figures comme le ministre de la Justice Sansan Kambilé et le juriste Cissé Bacongo que cette candidature n’était pas possible, donc anticonstitutionnelle. Le Conseil constitutionnel a pourtant validé cette candidature, démontrant ainsi la flexibilité inquiétante de la loi sous prétexte d’une application « intelligente ».
Cette situation souligne un paradoxe : une loi, censée être une base solide et objective, devient malléable. Cette élasticité crée un climat d’incertitude et de potentiels abus de pouvoir. En modifiant l’application des lois selon des intérêts partisans, les dirigeants risquent de plonger le pays dans le chaos.
En clair, l’application intelligente de la loi, loin de servir la justice, menace l’équilibre démocratique et peut provoquer nos malheurs. Pour préserver la stabilité et la confiance des citoyens, il est impératif de revenir à une interprétation stricte et claire des textes légaux. Le respect rigoureux de la loi est la seule garantie d’une démocratie saine et d’institutions crédibles.
Germain Séhoué